COUR D'APPEL DE CHAMBERY |
REPUBLIQUE FRANÇAISE |
ARRÊT RENDU LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE DEUX
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![]() APPELANT
: INTIME COMPOSITION DE LA COUR : Lors
de l'audience des débats, tenue le 15 Octobre 2002 avec l'assistance
de Madame DURAND, Greffier, et lors du délibéré par
:
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Par
jugement du 10 février 1997 auquel il convient de se référer
pour l'exposé des faits et de la procédure, le Conseil de
Prud'hommes de BONNEVILLE a dit que le licenciement de Madame PUGNAT par
LA POSTE repose sur une cause réelle et sérieuse, a débouté
Madame PUGNAT de toutes ses demandes et l'a condamnée à
payer à LA POSTE la somme de 500 Francs pour frais irrépétibles
. Madame
PUGNAT a interjeté appel de cette décision le 18 février
1997. Après radiation de l'affaire et réinscription au rôle
de la Cour, elle soutient, que les dispositions du Code du Travail sont
applicables à LA POSTE, que son licenciement doit s'inscrire dans
un cadre économique, que la lettre de licenciement est insuffisamment
motivée, que la modification contractuelle qui lui a été
imposée n'est pas fondée et que LA POSTE n'a pas respecté
son obligation de reclassement ni la priorité de réembauchage
. Elle
demande en conséquence sa réintégration dans l'entreprise
et à défaut que LA POSTE soit condamnée à
lui payer les sommes de 119.280 Francs à titre de dommages-intérêts
pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 11.190
Francs pour non respect de la priorité de réembauchage outre
celle de 5.000 Francs pour frais irrépétibles . Elle
ajoute que le licenciement de Madame PUGNAT ne s'inscrit pas dans un cadre
économique mais dans celui d'une réorganisation des services
en dehors de toute idée de difficultés économiques
ou de mutations technologiques. Elle précise encore que la lettre de rupture est suffisamment motivée et que le licenciement s'explique par le refus de Madame PUGNAT d'accepter la modification de son contrat de travail motivée par les exigences de services publics, toutes les dispositions de la convention commune ayant été observées. Elle demande en conséquence la confirmation du jugement déféré, sauf subsidiairement à réduite le montant des dommages-intérêts réclamés.
MOTIFS DE LA DÉCISION Attendu
qu'il est constant que Madame PUGNAT a été engagée
par LA POSTE à compter du premier janvier 1989 en qualité
d'auxiliaire de bureau à temps partiel au bureau de COMBLOUX ; Que
Madame PUGNAT ayant opté pour le statut contractuel de droit privé,
un nouveau contrat à été établi le 3 décembre
1992 sur la base de 19 heures de travail hebdomadaires ; Qu'à
cinq reprises, LA POSTE a proposé par avenant à Madame PUGNAT
qui les a accepté des modifications d'horaires temporaires ; Que
le 5 mars 1996, la poste a proposé à la signature de Madame
PUGNAT une nouvelle modification d'horaire sans commune mesure avec les
précédentes, sa durée de travail étant alors
réduite pratiquement de moitié, seule une base annuelle
de 842 heures travaillée étant prévue pour la période
du premier janvier au premier décembre 1996 ; Que
par lettre du 18 mars 1996, Madame PUGNAT a refusé ces modifications
de son contrat de travail en faisant observer qu'il y avait une réduction
considérable de son temps de travail, qu'elle ne pouvait admettre
la tranche horaire prévue (une heure trente), qu'une période
non travaillée n'était pas précisée, qu'un
contrat de huit mois la laissait sans garantie pour l'avenir et qu'elle
ne pouvait pas choisir ses vacances ; Que
dès le 21 mars 1996, LA POSTE a convoqué Madame PUGNAT à
un entretien préalable puis l'a licenciée par lettre du
15 avril 1996 pour le motif suivant : "conformément à
l'entretien préalable du 2 avril 1996, je vous confirme que dans
le cadre d'un redéploiement des moyens de personnel attachés
au bureau de COMBLOUX, LA POSTE est dans l'obligation de procéder
à votre licenciement à compter du premier juillet 1996"
; Attendu
que nonobstant les dispositions spécifiques prévues par
la convention commune de LA POSTE régissant les agents contractuels
de droit privé, les dispositions générales du Code
du Travail s'appliquent à ces derniers, notamment celles relatives
à la motivation suffisante de la lettre de licenciement et à
la modification du contrat de travail qu'un salarié est en droit
de refuser ; Qu'en
l'espèce, il n'est question dans la lettre de licenciement que
d'un redéploiement des moyens de personnel attachés au bureau
de COMBLOUX sans que soit précisé les raisons de ce redéploiement
; qu'il n'est même pas fait référence à l'intérêt
du service mis en exergue par LA POSTE dans ses écritures ; Qu'il
n'est par ailleurs nullement fait état de la modification du contrat
de travail proposée a Madame PUGNAT, c'est à dire de la
conséquence sur son emploi qui résulterait du redéploiement
invoqué ni du refus de celle-ci alors que c'est bien ce refus de
modifications importantes du contrat qui a motivé le licenciement
; Que
la lettre de licenciement du 18 mars 1996 qui fixe les limites du litige
n'est donc pas suffisamment motivée et ne permet pas de déterminer
la nature exact de ce licenciement ; Attendu
surabondamment que LA POSTE ne produit aucune pièce sur le bien
fondé des modifications contractuelles proposées à
Madame PUGNAT et notamment de 1' importante réduction de ses horaires
alors que cette dernière conteste aussi la réalité
même du motif invoqué ; Que
LA POSTE ne procède ainsi que par affirmation sur le redéploiement
de personnel invoqué sur lequel elle ne fournit aucun justificatif
ni quant à sa nature, son importance, les personnels concernés
ou la nouvelle organisation mise en place qui légitimeraient la
modification du contrat de Madame PUGNAT ; Qu'ainsi, et à supposer même que le motif énoncé dans la lettre de licenciement soit suffisamment précis, la preuve n'est pas rapportée ni de sa réalité ni de son sérieux et alors au surplus que dès le premier juillet 1996, date de prise d'effet du licenciement de Madame PUGNAT, LA POSTE a embauché pour deux mois Monsieur BOUCARD en qualité d'agent contractuel ; Que
contrairement à ce que prétend l'employeur, cette embauche
ne peut correspondre au poste refusé par Madame PUGNAT puisque
Monsieur BOUCARD avait un horaire à effectuer de 33 heures par
semaine et n' a été embauché que pour une durée
déterminée ; Que
le licenciement de Madame PUGNAT est donc sans cause réelle et
sérieuse, le jugement déféré devant donc être
réformé en toutes ses dispositions ; Attendu
que Madame PUGNAT ne peut prétendre qu'au versement de dommages-intérêts,
LA POSTE ne lui proposant pas sa réintégration ; Qu'eu
égard à son ancienneté, à la perte d'un emploi
stable même à temps partiel et au fait qu'elle se soit retrouvée
au chômage après son licenciement, il lui sera alloué
à titre de dommages-intérêts la somme de 9 000 euros
; Que
cette indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
ne peut se cumuler en l'espèce avec une indemnité distincte
pour non respect de la priorité de réembauchage alors en
outre que Madame PUGNAT a été appelée pour remplacer
un agent titulaire en congé de maladie du 4 juillet au 10 août
1996 et qu'il lui a été proposé le 17 septembre 1996
une autre contrat à durée déterminée qu'elle
a refusé ; Attendu
qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de
Madame PUGNAT les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés
tant en première instance qu'en cause d'appel ; qu'une somme de
700 euros lui sera donc allouée à ce titre en application
de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS La
Cour, statuant publiquement et contradictoirement et après en avoir
délibéré conformément à la loi, Réforme
en toutes ses dispositions le jugement déféré et
statuant à nouveau, Condamne LA POSTE à payer à Madame PUGNAT la somme de 9.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre celle de 700 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Déboute
Madame PUGNAT du surplus de ses demandes, Condamne
LA POSTE aux dépens de première instance et d'appel. En foi de quoi, à l'audience publique du 26 Novembre 2002, le présent arrêt a été lu et signé par Monsieur ROGIER, Président,
et Madame DURAND, Greffier. |
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