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COUR D'APPEL DE CHAMBERY
Chambre sociale

AFFAIRE N°: 99/02852 JFG/MFM

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

ARRÊT RENDU LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE DEUX

 

APPELANT :

Madame Odile PUGNAT
LE CHATEAU
74700 CORDON
Représentant : Maître Michèle BLANC (avocat au barreau d'ANNECY)

INTIME

LA POSTE DIRECTION DEPARTEMENTALE
DE HAUTE SAVOIE
4 RUE DES GLIERES
74000 ANNECY
Représentant : Maître MUGNIER (avocat au barreau d'ANNECY)
(Affaire montée par SUD PTT Pays de savoie.)

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience des débats, tenue le 15 Octobre 2002 avec l'assistance de Madame DURAND, Greffier, et lors du délibéré par :

Monsieur ROGIER, Président
Monsieur GALLICE, Conseiller
Monsieur BAUDOT, Conseiller


 

 

Par jugement du 10 février 1997 auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la procédure, le Conseil de Prud'hommes de BONNEVILLE a dit que le licenciement de Madame PUGNAT par LA POSTE repose sur une cause réelle et sérieuse, a débouté Madame PUGNAT de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à LA POSTE la somme de 500 Francs pour frais irrépétibles .

Madame PUGNAT a interjeté appel de cette décision le 18 février 1997. Après radiation de l'affaire et réinscription au rôle de la Cour, elle soutient, que les dispositions du Code du Travail sont applicables à LA POSTE, que son licenciement doit s'inscrire dans un cadre économique, que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée, que la modification contractuelle qui lui a été imposée n'est pas fondée et que LA POSTE n'a pas respecté son obligation de reclassement ni la priorité de réembauchage .

Elle demande en conséquence sa réintégration dans l'entreprise et à défaut que LA POSTE soit condamnée à lui payer les sommes de 119.280 Francs à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 11.190 Francs pour non respect de la priorité de réembauchage outre celle de 5.000 Francs pour frais irrépétibles .
LA POSTE soutient en réponse qu'en sa qualité d'exploitant autonome de droit public, elle ne relève pas du champ d'application de l'article L 321-2 du Code du Travail, la procédure à appliquer en cas de modification du contrat de travail étant celle prévue par la convention collective commune de LA POSTE.

Elle ajoute que le licenciement de Madame PUGNAT ne s'inscrit pas dans un cadre économique mais dans celui d'une réorganisation des services en dehors de toute idée de difficultés économiques ou de mutations technologiques.

Elle précise encore que la lettre de rupture est suffisamment motivée et que le licenciement s'explique par le refus de Madame PUGNAT d'accepter la modification de son contrat de travail motivée par les exigences de services publics, toutes les dispositions de la convention commune ayant été observées.

Elle demande en conséquence la confirmation du jugement déféré, sauf subsidiairement à réduite le montant des dommages-intérêts réclamés.

 

 

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MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu qu'il est constant que Madame PUGNAT a été engagée par LA POSTE à compter du premier janvier 1989 en qualité d'auxiliaire de bureau à temps partiel au bureau de COMBLOUX ;

Que Madame PUGNAT ayant opté pour le statut contractuel de droit privé, un nouveau contrat à été établi le 3 décembre 1992 sur la base de 19 heures de travail hebdomadaires ;

Qu'à cinq reprises, LA POSTE a proposé par avenant à Madame PUGNAT qui les a accepté des modifications d'horaires temporaires ;

Que le 5 mars 1996, la poste a proposé à la signature de Madame PUGNAT une nouvelle modification d'horaire sans commune mesure avec les précédentes, sa durée de travail étant alors réduite pratiquement de moitié, seule une base annuelle de 842 heures travaillée étant prévue pour la période du premier janvier au premier décembre 1996 ;

Que par lettre du 18 mars 1996, Madame PUGNAT a refusé ces modifications de son contrat de travail en faisant observer qu'il y avait une réduction considérable de son temps de travail, qu'elle ne pouvait admettre la tranche horaire prévue (une heure trente), qu'une période non travaillée n'était pas précisée, qu'un contrat de huit mois la laissait sans garantie pour l'avenir et qu'elle ne pouvait pas choisir ses vacances ;

Que dès le 21 mars 1996, LA POSTE a convoqué Madame PUGNAT à un entretien préalable puis l'a licenciée par lettre du 15 avril 1996 pour le motif suivant : "conformément à l'entretien préalable du 2 avril 1996, je vous confirme que dans le cadre d'un redéploiement des moyens de personnel attachés au bureau de COMBLOUX, LA POSTE est dans l'obligation de procéder à votre licenciement à compter du premier juillet 1996" ;

Attendu que nonobstant les dispositions spécifiques prévues par la convention commune de LA POSTE régissant les agents contractuels de droit privé, les dispositions générales du Code du Travail s'appliquent à ces derniers, notamment celles relatives à la motivation suffisante de la lettre de licenciement et à la modification du contrat de travail qu'un salarié est en droit de refuser ;

Qu'en l'espèce, il n'est question dans la lettre de licenciement que d'un redéploiement des moyens de personnel attachés au bureau de COMBLOUX sans que soit précisé les raisons de ce redéploiement ; qu'il n'est même pas fait référence à l'intérêt du service mis en exergue par LA POSTE dans ses écritures ;

Qu'il n'est par ailleurs nullement fait état de la modification du contrat de travail proposée a Madame PUGNAT, c'est à dire de la conséquence sur son emploi qui résulterait du redéploiement invoqué ni du refus de celle-ci alors que c'est bien ce refus de modifications importantes du contrat qui a motivé le licenciement ;

Que la lettre de licenciement du 18 mars 1996 qui fixe les limites du litige n'est donc pas suffisamment motivée et ne permet pas de déterminer la nature exact de ce licenciement ;

Attendu surabondamment que LA POSTE ne produit aucune pièce sur le bien fondé des modifications contractuelles proposées à Madame PUGNAT et notamment de 1' importante réduction de ses horaires alors que cette dernière conteste aussi la réalité même du motif invoqué ;

Que LA POSTE ne procède ainsi que par affirmation sur le redéploiement de personnel invoqué sur lequel elle ne fournit aucun justificatif ni quant à sa nature, son importance, les personnels concernés ou la nouvelle organisation mise en place qui légitimeraient la modification du contrat de Madame PUGNAT ;

Qu'ainsi, et à supposer même que le motif énoncé dans la lettre de licenciement soit suffisamment précis, la preuve n'est pas rapportée ni de sa réalité ni de son sérieux et alors au surplus que dès le premier juillet 1996, date de prise d'effet du licenciement de Madame PUGNAT, LA POSTE a embauché pour deux mois Monsieur BOUCARD en qualité d'agent contractuel ;

Que contrairement à ce que prétend l'employeur, cette embauche ne peut correspondre au poste refusé par Madame PUGNAT puisque Monsieur BOUCARD avait un horaire à effectuer de 33 heures par semaine et n' a été embauché que pour une durée déterminée ;

Que le licenciement de Madame PUGNAT est donc sans cause réelle et sérieuse, le jugement déféré devant donc être réformé en toutes ses dispositions ;

Attendu que Madame PUGNAT ne peut prétendre qu'au versement de dommages-intérêts, LA POSTE ne lui proposant pas sa réintégration ;

Qu'eu égard à son ancienneté, à la perte d'un emploi stable même à temps partiel et au fait qu'elle se soit retrouvée au chômage après son licenciement, il lui sera alloué à titre de dommages-intérêts la somme de 9 000 euros ;

Que cette indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut se cumuler en l'espèce avec une indemnité distincte pour non respect de la priorité de réembauchage alors en outre que Madame PUGNAT a été appelée pour remplacer un agent titulaire en congé de maladie du 4 juillet au 10 août 1996 et qu'il lui a été proposé le 17 septembre 1996 une autre contrat à durée déterminée qu'elle a refusé ;

Attendu qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de Madame PUGNAT les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ; qu'une somme de 700 euros lui sera donc allouée à ce titre en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Réforme en toutes ses dispositions le jugement déféré et statuant à nouveau,

Condamne LA POSTE à payer à Madame PUGNAT la somme de 9.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre celle de 700 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Déboute Madame PUGNAT du surplus de ses demandes,

Condamne LA POSTE aux dépens de première instance et d'appel.

En foi de quoi, à l'audience publique du 26 Novembre 2002, le présent arrêt a été lu et signé par Monsieur ROGIER,

Président, et Madame DURAND, Greffier.




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