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CONSEIL DE PRUD'HOMMES
56 rue gambetta
78514 RAMBOUILLET

JUGEMENT
Qualification: Contradictoire, Premier Ressort

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT du 6 JUILLET 2000

RG N° F 00/00083

SECTION Commerce

AFFAIRE
Thierry CLIVIO
contre
LA POSTE

Composition du bureau de Jugement lors des débats et du délibéré

Monsieur Alban NEGARET, Président Conseiller (E)
Monsieur Louis CHAUVIN, Assesseur Conseiller (E)
Monsieur Daniel LEBOUBE, Assesseur Conseiller (S)
Monsieur Bruno PINAUDEAU, Assesseur Conseiller (S)
Assistés lors des débats de Melle Laurence MAGNANI, Greffier

Entre

Monsieur Thierry CLIVIO
C 302 Résidence Pasteur
78120 RAMBOUILLET

Assisté de Mme Laetitia HERRERO
(Délégué syndical ouvrier)
DEMANDEUR

Et

LA POSTE
53 rue Champs Lagarde
78000 VERSAILLES
Représenté par Me Marc MANDICAS
(Avocat au barreau de Versailles)
DEFENDEUR

 

PROCEDURE

Le Conseil de PrudHommes de Rambouillet, Section Commerce a été saisi d'une demande reçue au greffe. Celui-ci a envoyé un récépissé à la partie demanderesse en l'avisant des lieu, jour et heure de la séance du Bureau de Conciliation .

En application des dispositions de l'article R 516,11 du code du Travail, le secrétariat a convoqué la partie défenderesse par lettre recommandée avec avis de réception, en lui adressant le même jour copie de cette convocation par lettre simple devant le bureau de conciliation pour se concilier sur les chefs de demande.

La convocation a informé également la partie défenderesse que des décisions exécutoires à titre provisoire pourraient, même en son absence, être prises contre elle par le bureau de conciliation, au vu des seuls éléments fournis par son adversaire;

Date de la réception de la demande : 01 Mars 2000

- Débats à l'audience de Jugement du 20 Avril 2000 (convocations envoyées le 03 Mars 2000)
- Prononcé de la décision fixé à la date du 22 Juin 2000

- Délibéré prorogé à la date du 06 Juillet 2000
- Décision prononcée par Monsieur LEBOUBE Daniel
Assisté(e) de Monsieur BESSEAU Michel, Greffier

Le dernier état des chefs de demandes présenté à l'audience des plaidoiries est le suivant:

Chefs de la demande
- Intégration en CDI selon article L122-3-13 du Code du Travail
- Indemnité (1 mois de salaire) 6 000,00 F Brut


FAITS CONSTANTS

Monsieur CLIVIO est engagé à compter du 15 juillet 1998 pour une durée déterminée de cinquante quatre mois et quatre jours, sous réserve des résultats de la visite médicale d'embauché, se terminant donc le 18 janvier 2003. Il ne pourra pas faire l'objet d'un renouvellement.

Ce contrat est régi par les articles L.322-4-18 à L.322-4-21 du Code du Travail et le décret n° 97-954 du 17 octobre 1997 relatifs au développement d'activités pour l'emploi des jeunes, ainsi que les stipulations de la convention n° 078-98A0002000 du 8 janvier 1998 conclue entre le représentant de l'Etat et La Poste.
Le présent contrat est également régi par la Convention commune LA POSTE - FRANCE TELECOM ainsi que par le règlement d'établissement.

Monsieur CLIVIO s'engage en outre à se conformer aux instructions qui pourront lui être données concernant les conditions d'exécution du travail.

Il exercera l'activité d'agent facilitateur de la distribution en zone urbaine au bureau de Poste de RAMBOUILLET.

Les activités correspondantes devaient être décrites en annexe au contrat de travail, mais ne sont pas présentes dans les documents produits par les parties, sauf en ce qui concerne celle "d'agent de contact" engagé à temps complet.

Il percevra une rémunération sur la base d'un salaire mensuel brut de 6.677,50 F (soit sur la base d'un salaire annuel brut de 80.130 F). Ce salaire de base sera complété du complément poste et des accessoires de salaire en vigueur à La Poste.

La Convention signée entre l'Etat (représenté par Monsieur J.F. SEILLER Préfet du département des Yvelines) et La Poste (représentée par Monsieur J. DUHAMEL, directeur de La Poste des Yvelmes) prévoit que les bureaux concernés offriront plus particulièrement les activités suivantes:

Réduction de l'attente:
-Mesurer les flux de clientèle
- Agir sur les files d'attente
- Rechercher et proposer des solutions pour diminuer l'attente

Accueil:
-Personnaliser les relations avec les clients
-Instaurer un climat convivial au sein du Bureau de Poste
-Garantir la qualité de l'environnement


Médiation et assistance:
- Améliorer la communication avec les clients en difficulté :
date de versements des prestations sociales
•assistance pour remplir les formulaires
• interprétation, traduction si nécessaire
- Faciliter l'insertion sociale des clients en difficulté :
• explication de documents émanant de services publics
•formalités à effectuer

Information et conseil:
- Répondre aux demandes d'informations du public sur les produits et services de La Poste
•caractéristiques des principales prestations
• formulaires à remplir
•distribution d'imprimés
- Aider les clients à l'utilisation des automates

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MOYENS DES PARTIES

Monsieur Thierry CLIVIO expose qu'il lui a été demandé d'effectuer d'autres tâches que celles correspondant aux contrats emplois-jeunes, lesquelles ne peuvent se substituer à des activités ou des emplois existants.

Or, engagé comme "agent de contact", il a été amené à exercer des activités habituellement effectuées par les autres postiers tel l'inscription des objets en instance ainsi que leur classement, la saisie des chronopost ou colissimo (SIOTEL), la prise de rendez-vous pour le Conseiller Financier.

Ce sont d'ailleurs ces activités qui ont été retenues pour le dispositif d'appréciation à la rubrique "description du poste de travail de l'agent".

Postérieurement, La Poste a recentré les activités des agents de contacts sur le conseil en multimédia dans les bureaux équipés de bornes Internet "CYBERPOSTE" ainsi que le prévoyait une partie de l'accord cadre, s'agissant d'activité nouvelle. Mais tenant un double discours, elle lui a alors reproché de ne pas être suffisamment à l'écoute des besoins du public.

La Poste rétorque que si Monsieur CLIVIO a effectué des tâches autres que celles strictement réservées aux emplois-jeunes, c'est à sa demande. D'autre part, la politique sociale de La Poste est d'intégrer les jeunes dans les effectifs avant le terme de leur contrat, mais ceci ne peut se faire qu'en fonction de l'évolution personnelle de ce jeune au regard des tâches qui lui sont confiées. En ce qui concerne Monsieur CLIVIO la mesure serait prématurée.

Elle sollicite le rejet de la demande d'intégration de Monsieur CLIVIO dans le grade II. 1 qui concerne
les fonctions de guichetier ou de caissier, ces activités ne correspondant en rien à celles actuellement exercées par lui.

SUR CE

Attendu que Monsieur CLIVIO Thierry a été engagé par contrat emplois-jeunes à compter du 15 juillet 1998, tel que dit précédemment ;

Attendu que la Convention passée entre l'Etat et La Poste, dans un souci de professionnalisation et d'intégration durable des jeunes recrutés, prévoit la mise en place d'une formation en alternance sur une période de 6 mois, adaptée à leurs besoins, avec un accompagnement individualisé des jeunes agents ;

Que la formation est organisée en 3 temps :

- la formation initiale lors de l'embauche, alternant durant le premier mois, cours théoriques et stages pratiques, a pour objet :
• de sensibiliser les jeunes à l'activité de La Poste et à sa culture d'entreprise spécifique; à
l'organisation des bureaux de Poste et à l'importance de l'accueil dans l'activité de service public,
• de permettre d'acquérir les savoirs techniques postaux minimum nécessaires à l'exercice de leur fonction ;

- la formation de perfectionnement aux activités à partir du deuxième mois permettant d'approfondir les compétences techniques et comportementales prop res à permettre aux jeunes d'exercer pleinement leurs fonctions, et portant essentiellement sur quatre domaines :
• l'accueil du public dans les bureaux,
• les conditions de gestion et de réduction des files d'attente,
• la médiation sociale et l'assistance,
• l'information et le conseil aux usagers ;

- la formation de développement professionnel, visant à faciliter l'intégration à terme sur des fonctions d'exploitation ;

Que toutefois les dispositions légales telles que définies par les articles L.322-4-18 à L.322-4-21 du Code du Travail ne permettent pas de déroger au principe suivant lequel les activités confiées ne peuvent se substituer à des activités existantes, et doivent promouvoir le développement d'activités créatives d'emplois pour les jeunes en répondant à des besoins émergents ou non satisfaits et présentant un caractère d'utilité sociale, un cahier des charges comportant les conditions prévisibles de la pérennisation des activités et la professionnalisation des emplois ;

Attendu qu'il résulte tant des pièces fournies (extrait du cahier suivi ARTT du 2/10/99, dispositifd'intégration des CEJ de Novembre 1999, dossier d'appréciation du personnel "année 1998" fait le 6/8/99) que des écritures de La Poste (conclusions déposées) que Monsieur CLIVIO accomplissait des "tâches en arrière des guichets" et qu'il ne pouvait pas être en permanence dans la salle du public, là où l'appelait sa fonction "d'agent de contact" ;

Qu'ainsi, référence faite à son dossier d'appréciation, il effectuait des "retours d'instances, lettres recommandées, paquets, classement, saisie SIOTEL, aide au départ du courrier, ouverture-fermeture de l'agence" ;

Que La Poste a évalué à son initiative ces activités normalement effectuées par du personnel permanent à 10 h par semaine, "réparties approximativement sous l'autorité du chef d'établissement de la manière suivante :

- 35 mn retour d'instance
- 20 mn saisie SIOTEL (suivi informatique d'objets tels que COLISSIMO, CHRONOPOST, DILIPACKetc...)
- 30 mn classement de paquets
- 20 mn timbres à date
-10 mn aide au départ
- 5 mn ouverture et fermeture des portes" ;

Attendu qu'il est peu important que certaines de ces tâches aient été accomplies à la demande ou sur l'initiative de Monsieur CLIVIO ou que l'évaluation du temps consacré à ces activités puisse être contestée ;

Attendu, dès lors, que c'est à tort que La Poste affirme que le salarié n'effectuait aucune tâche n'entrant pas dans le cadre des fonctions résultant du contrat emploi-jeune ;

Attendu, en conséquence, que La Poste ayant méconnu les dispositions légales en matière de contr atemploi-jeune, il échet de requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée;

Attendu que le bulletin Ressources Humaines reprend une circulaire du 27 septembre 1999 intitulée "dispositif d'intégration des contrats emploi-jeune agents de contact", laquelle précise la place de l'intégration des emplois-jeunes dans le plan de comblement des postes ; qu'ainsi, il est affirmé qu'il appartient aux responsables territoriaux, dans le cadre de la concertation locale, de prendre en compte l'intégration des emplois-jeunes dans la structure du plan de comblement des postes ; que l'intégration des emplois-jeunes s'inscrit dans le cadre du plan de comblement des postes, après les modes de comblements existants (reclassements, mutations, promotion des agents fonctionnaires et contractuels...) et avant le recrutement externe ; que de plus, l'intégration des emplois-jeunes se situe après le comblement des postes à temps complet par des agents contractuels, précédemment utilisés à temps partiel et également après l'augmentation de la durée d'utilisation des agents contractuels à temps partiel ; que s'agissant des agents de contact, il convient de les intégrer exclusivement sur des fonctions de niveaux II-l à 11-3 (guichetier, assistant commercial, conseiller financier, conseiller ouvrier), en adéquation avec leur niveau de diplôme ou leur qualification professionnelle ;

Attendu, en conséquence, que le grade attribué à Monsieur CLIVIO devra être de niveau II-l conformément aux dispositions ci-dessus rappelées ;

Attendu que le contrat "emploi-jeune" est un contrat à durée déterminée de droit privé à temps complet passé en application des articles L.122-2 et L.322-4-18 et suivants du Code du Travail ;

Que la requalification en contrat à durée indéterminée ouvre droit pour lesalarié à des dommages et intérêts à hauteur d'un mois de salaire ;

Qu'il convient en conséquence de lui allouer la somme de 6 000 F telle que demandée, le salaire mensuel brut étant de 6 677,50 F ;

Attendu que La Poste succombe, elle sera condamnée aux entiers dépens.


PAR CES MOTIFS

Le Conseil des Prud'hommes de RAMBOUILLET, section Commerce, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, par jugement contradictoire, et en premier ressort. .

REQUALIFIE le contrat emploi-jeune à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

FIXE au niveau II.1 le coefficient attribué à Monsieur CLÏVIO, laissant à La Poste le choix des fonctions exercées.

CONDAMNE La Poste, Exploitant Public, d'avoir à payer à Monsieur CLÏVIO Thierry la somme de SIX MILLE FRANCS (6.000 F) à titre d'indemnité due au titre de la requalification.

La CONDAMNE également aux entiers dépens comprenant les frais d'exécution éventuels.

POUR LE PRESIDENT empêché,
le Conseiller ayant participé au
débat et au délibéré:
D.LEBOUBE

LE GREFFIER,
M. BESSEAU

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