CONSEIL
DE PRUD'HOMMES DE VANNES JUGEMENT DU 25 NOVEMBRE 2002 Qualification |
REPUBLIQUE
FRANÇAISE
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![]() RG
N° F 01/00255 à 01/00269 AFFAIRE
contre
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![]() Audience
de plaidoierie du 1er juillet 2002 Le
Syndicat SUD-PTT MORBIHAN
LA
DIRECTION DEPARTEMENTALE DE LA POSTE DU MORBIHAN DEFENDERESSE, représentée par Me RAOUL-BOURLES (Avocate au barreau de VANNES) de la SCP BOEDEC, RAOUL-BOURLES
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Composition du bureau de jugement lors des débats et du délibéré PROCEDURE
Le
30 Avril 2001, les demandeurs saisissaient la formation des référés
du Conseil de Prud'hommes de VANNES aux fins de voir condamner la DIRECTION
DEPARTEMENTALE DE LA POSTE DU MORBIHAN à leur verser diverses sommes
au titre de rappel de salaire, des congés payés y afférents
et de l'article 700 du NCPC. Par
ordonnance du 30 Mai 2001, la formation de référé
décidait que les demandes excédaient ses pouvoirs. Les demandeurs engageaient une procédure au fond, la conciliation n'aboutissant à aucun accord.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
POUR LES DEMANDEURS
LA
POSTE demande donc au Conseil de constater une question préjudicielle
et de renvoyer les parties à se pourvoir devant la juridiction
administrative. Aux
termes de l'article 74 du NCPC, les exceptions doivent, à peine
d'irrégularité, être soulevées simultanément
et avant toute défense au fond et fins de non recevoir. Or,
le litige qui oppose les demandeurs et LA POSTE a fait l'objet d'une procédure
devant la formation des référés du Conseil de VANNES,
qui a rendu sa décision le 30 mai 2001 et, à aucun moment,
LA POSTE n'a soulevé l'existence d'une question préjudicielle
remettant en cause le Conseil de VANNES. A
titre subsidiaire, la demande de sursis à statuer devra être
rejetée. LA POSTE estime que la retenue de l/30ème du salaire
mensuel pour l'ensemble des agents est une décision à caractère
générale et impersonnelle, donc une décision administrative
à caractère réglementaire. A l'appui de son argumentation,
LA POSTE cite une décision du Tribunal des Conflits en date du
22 Juin 1992. Mais contrairement à l'hypothèse visée dans la décision du Tribunal des Conflits le litige soumis au Conseil de Prud'hommes dans le cadre de la présente affaire n'implique nullement l'appréciation de la légalité d'un quelconque acte réglementaire. LA
POSTE a procédé à des retenues sur salaire de façon
individuelle pour chaque salarié sans qu'une décision expresse
ait été prise fixant les modalités des retenues sur
salaire en cas de grève pour l'ensemble-dès salariés,Il
en va de même pour la décision prise par la Cour d'Appel
de PARIS du 31/05/2002. Contrairement
à ce qu'affirmé LA POSTE, la solution du présent
litige n'a pas pour effet d'amener le juge à apprécier la
légalité d'une décision à caractère
réglementaire prise par LA POSTE puisqu'une telle décision
n'existe pas. Le Conseil de Prud'hommes est ici le seul compétent. C'est à cette conclusion qu'est arrivé le Conseil de Prud'hommes de MONTPELLIER le 21 mars 2002.
Sur les règles applicables concernant la retenue sur salaire des salariés grévistes
La
retenue opérée sur les salaires des grévistes doit
être strictement proportionnelle à la durée de l'arrêt
de travail. Par
ailleurs les articles L 521-2 et suivants du Code du Travail précisent
les règles applicables à l'exercice du droit de grève
dans le secteur public. S'agissant
des retenues sur le salaire, une distinction doit être opérée
: Dans
la mesure où les salariés sous contrat de droit privé
de LA POSTE relèvent des dispositions de l'article L 521-6 du Code
du Travail, la retenue sur salaire opérée pour les salariés
grévistes aurait dû être proportionnelle à la
durée de l'absence.
Les
salariés de droit privé de LA POSTE sont soumis, comme l'ensemble
des salariés, en l'absence de dérogation expresse, aux dispositions
du Code du Travail comme le mentionne expressément le Loi n°
90.568 du 02 Juillet 1990 relative à l'organisation du service
public de LA POSTE. Il importe peu que les salariés de LA POSTE
bénéficient d'un salaire qui se liquide par mois. Il sera intéressant de prendre connaissance du courrier adressé par LA POSTE à M. VALSEMEY le 15 mai 2001 en réponse à des demandes d'attribution d'un complément Poste et d'un salaire identique à ceux versés aux fonctionnaires de même niveau. LA
POSTE ne peut refuser cet alignement, ce qu'elle fait, alors que pour
l'exercice du droit de grève-elle entend aligner le régime
de ses agents contractuels de droit privé sur celui des agents
publics qui est beaucoup moins favorable. c)
II est intéressant de noter que, s'agissant du droit de grève,
on peut voir à FRANCE TELECOM que ce n'est pas le statut de l'entreprise
qui est pris en compte mais celui des agents qui la composent. Un raisonnement
identique doit être suivi par LA POSTE. d)
II faudra noter que le Tribunal de Grande Instance de CAEN relève
que, lorsque LA POSTE emploie en application de l'article 31 de la loi
du 02 juillet 1990, des agents contractuels dans les conditions de droit
privé, elle est soumise au Code du Travail, sauf dérogation
particulière. Un raisonnement identique peut être suivi s'agissant
de l'exercice du droit de grève.
Sur l'intervention volontaire du syndicat SUD PTT du Morbihan
Sur les frais irrépétibles
L'employeur
se verra également condamné à verser au syndicat
SUD PTT du MORBIHAN
POUR LA PARTIE DEFENDERESSE
La
décision de LA POSTE doit être analysée comme une
décision réglementaire et administrative dont il appartient
aux seules juridictions administratives d'apprécier la légalité. La
remise en cause de la décision qui nous intéresse par les
juridictions de l'ordre judiciaire auquel appartiennent les juridictions
du travail, porterait gravement atteinte au principe de la séparation
des pouvoirs des ordres des juridictions administratives et judiciaires
résultant de l'application de l'article 13 de la Loi des 16 et
24 août 1790 et du décret du 16 Fructidor an III. Le
Tribunal des Conflits a considéré que le juge judiciaire
ne saurait écarter l'application d'un acte administratif réglementaire
au profit d'une disposition du Code du Travail sans porter atteinte au
principe fondamental de la séparation des pouvoirs des deux ordres. La
légalité de la décision de LA POSTE d'appliquer à
l'ensemble de ses personnels les mêmes modalités de retenues
sur salaire en cas de grève est donc une question sérieuse
dont la solution est nécessaire au règlement du litige dont
la juridiction prud'homale est saisie. Il
est donc demandé que les parties soient renvoyées à
se pourvoir devant la juridiction administrative et de surseoir à
statuer jusqu'à la décision du juge administratif. En
ce qui concerne l'exception d'incompétence soulevée par
LA POSTE, il faut noter que la formation des référés
du dit Conseil a donné satisfaction à LA POSTE en déboutant
les demandeurs. Que l'audience du 08 Octobre 2001 n'était qu'une
audience de tentative de conciliation et que la procédure de référé
et au fond sont deux procédures différentes et la direction
de LA POSTE a soulevé l'exception de procédure dans ses
premières écritures avant toute défense au fond.
Elle est donc parfaitement recevable à soulever l'exception tirée
de la question préjudicielle.
Sur l'ordonnance de référé du Conseil de Prud'hommes de MONTPELLIER
Sur les règles applicables
Il
ressort de ce texte que coexistent au sein de LA POSTE deux types de personnel
régis par des statuts différents : Toutefois
le législateur a estimé, sur quelques points, que l'ensemble
du personnel d'une même catégorie d'établissement
devait être régi par les mêmes règles. Il s'agit
de ne plus considérer le statut du personnel en cause, mais celui
de l'établissement dans lequel ce personnel exerce son activité. La
formulation énoncée dans les articles L 521-2 à 6
du Code du Travail dit clairement que l'ensemble des personnels de l'Etat
est régi par ces articles indépendamment de toute référence
à leur statut. Pour
le personnel de droit public, l'absence de travail entraîne de droit
et obligatoirement une retenue d' l/30ème indivisible de traitement
quelque soit la raison de cette absence et sa durée au cours d'une
même journée. La légalité de cette retenue
doit s'analyser au regard des textes en vigueur, de la décision
du Conseil Constitutionnel de 1987 et de la Jurisprudence. L'évolution
des textes se fait à partir de l'article 4 de la loi n°61-825
du 19 Juillet 1961, de l'article premier du décret n° 62-765
du 06 Juillet 1962, de l'article de loi n° 63-777 du 31 Juillet 1963,
des articles 1 et 6 de la loi du 31 Juillet 1963 qui sont devenus les
articlesL 521-2 et L 521-6 du Code du Travail. Ceci est complété
par la loi n°77-826 du 22 Juillet 1977 modifiant l'article 4 de la
loi du 29 Juillet 1961. Une confirmation nous est donnée par la loi n°82-889 du 19 octobre 1982 dont l'article 3 modifiait l'article L 521-6 du Code du Travail. Le Conseil Constitutionnel a admis la constitutionnalité de l'abrogation des articles 1 et 2 de la loi de 1982 mais non celle de l'article 3. Les articles 1 et 2 de la loi de 1982 conservent leurs effets. La loi de 1987 a remis en vigueur l'article 4 de la loi de 1961 complété par la loi de 1977 ;
Il résulte nécessairement de ces dispositions que le personnel demandeur en l'instance, bénéficiant d'un salaire liquidé par mois entre dans l'exception visée par l'article L 521-6 et que les retenues pour fait de grève doivent être opérées dans les conditions de l'article 1 de la loi de 1982, c'est-à-dire par trentième indivisible. Il est démontré que les modalités de retenues sur rémunération appliquées aux requérants sont parfaitement justifiées. Les
règles de retenues appliquées par FRANCE TELECOM ne peuvent
être ici retenues.
Sur
la demande reconventionnelle LA
POSTE a été contrainte d'engager des frais non compris dans
les dépens pour assurer la défense de ses intérêts.
En conséquence, il apparaît juste et équitable de
lui allouer une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du NCPC.
MOTIVATIONS DU CONSEIL
Sur la jonction
Qu'il sera ordonné leur jonction ;
Attendu
que le litige qui est soumis au Conseil de céans n'implique nullement
l'appréciation de la légalité d'un quelconque acte
réglementaire mais est un litige relevant du droit privé.
Sur les règles applicables concernant la retenue sur salaire des salaries grévistes
Attendu
qu'il n'existe pas de dérogation expresse concernant le statut
des salariés de droit privé, particulièrement en
ce qui concerne la retenue sur rémunération des temps d'absence
pour fait de grève ; que de ce fait, c'est le Code du Travail qui
s'applique. Attendu
que le fait d'avoir un salaire qui se liquide par mois ne peut être
retenu. Attendu que LAPOSTE ne peut se prévaloir de règles spécifiques pour interdire l' alignement des salaires entre salariés fonctionnaires et salariés de droit privé et refuser des différences entre ces mêmes statuts concernant la retenue sur rémunération des absences pour fait de grève ; que l'application systématique à minima envers les salariés de droit privé serait de la discrimination envers ce statut.
Attendu
l'article L 521-2 du Code du Travail concernant les dispositions s'appliquant
au personnel des entreprises publiques, industrielles et commerciales,
et particulièrement au personnel des entreprises visées
à l'article 2 de la Loi n° 82-889 du 19/10/1082 ce qui est
le cas des demandeurs. Attendu
que l'article 2 de la Loi précitée précise que la
retenue sur le salaire de ces personnels doit être de l/160ème
du salaire mensuel. Attendu
l'article L 521-6 du Code du Travail qui précise que la retenue
sur salaire pour le personnel non visé à l'article 1 de
la Loi 82-889 du 19 octobre 1982, ce qui est le cas des demandeurs, doit
être opérée en fonction des durées d'absence
définies par l'article 2 de la dite Loi.
Sur l'intervention volontaire du syndicat SUD PTT du MORBIHAN
Attendu
qu'il s'agit bien ici d'un préjudice subi par des salariés
intéressant l'ensemble des salariés de droit privé
de LA POSTE, la demande du syndicat SUD PTT du MORBIHAN sera reconnue
recevable.
Sur les frais irrépétibles
Sur la demande de frais irrépétibles de la partie défenderesse
PAR
CES MOTIFS
ORDONE la jonction des instances enrôlées sous les n° 01/255 à 269.
Se déclare compétent pour connaître le litige s'agissant d'un contrat de travail de droit privé,
Condamne
LA POSTE à
verser à chacun des demandeurs la somme de 150 € au titre
de l'article 700 du NCPC, Dit que le syndicat SUD PTT est recevable dans sa demande fondée sur l'article L 411-11 du Code du Travail, en conséquence, condamne LA POSTE à lui verser 1 € à titre de dommages et intérêts, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne
LA POSTE aux entiers dépens de l'instance, Ainsi
jugé par le Conseil de Prud'hommes de VANNES, sis 14 rue Richemont
-3ème étage- LE
GREFFE. |
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