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SCP Joseph AGUERA & Associés AVOCATS
21, rue Bourgelat - 69002 LYON
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Toque n° 8

CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE VALENCE SECTION COMMERCE
RG Nos F 01/00505 et suivants
Audience du 13 Juin 2002 à 14 Heures

 

CONCLUSIONS

POUR

LA POSTE, Exploitant Public, dont le siège est sis 4, quai du Point du Jour - 92100 BOULOGNE BILLANCOURT, prise en la personne de son Président y domicilié et agissant au nom et pour le compte de son établissement dénommé SERVICE JURIDIQUE DELEGATION BOURGOGNE RHONE-ALPES sise 10, place Antonin Poncet - 69267 LYON Cedex 02.

DEFENDERESSE

SCP Joseph AGUERA & Associés AVOCATS AU BARREAU DE LYON
Toque n° 8


CONTRE


1. Madame Isabelle AUGE ;
2. Madame Catherine AZZOPARDI ;
3. Madame Annie BOIT ;
4. Madame Anne-Marie BRUYERE ;
5. Monsieur Richard CARON ;
6. Madame Colette CHAPPAZ ;
7. Madame Evelyne CHARLON ;
8. Monsieur Joël CUISINIER ;
9. Monsieur Dominique BOURRY ;
10. Madame Renée DALBOUSSIERE
11. Monsieur Stéphane DARDET ;
12. Madame Marie-Agnès DARONNAT ;
13. Mademoiselle Marlène DOLLE ;
14. Monsieur Jérôme DUCLOS ;
15. Monsieur Vincent DUGUA ;
16. Madame Martine FERIAUD ;
17. Madame Nathalie FERRATIER ;
18. Madame Ariette GAUTHIER ;
19. Madame Renée GERMAIN ;
20. Madame Emmanuelle GOUDARD ;
21. Monsieur Daniel KUC ;
22. Monsieur Antoine MANZARENA ;
23. Monsieur Jean-Luc MARMEY ;
24. Monsieur Hervé MAZARAT ;
25. Madame Marie-Pierre POLOSSE ;
26. Monsieur Patrick POUDRET ;
27. Monsieur David RATTO ;
28. Madame Caroline RIBAGNAC ;
29. Madame Marie SANCHEZ ;
30. Monsieur Jean-Marie SAVIN ;
31. Monsieur Christophe SERRATRICE ;
32. Madame Katia SERRATRICE ;
33. Monsieur Laurent SAUNIER ;
34. Madame Isabelle SILVESTRE ;
35. Monsieur Frédéric TEISSIER ;
36. Madame Paulette TREMORI ;
37. Monsieur David VALENTIN ;
38. Madame Patricia VAURE.

DEMANDEURS

Monsieur Daniel KUC
Délégué syndical

Les requérants ont saisi le Conseil de Prud'Hommes de VALENCE de demandes tendant à voir condamner LA POSTE au paiement des sommes suivantes :


Madame Isabelle AUGE :
• Rappel de salaire : 769,23 €
• Indemnité de congés payés afférents : 76,92 €
Article 700 du NCPC : 150 €

Madame Catherine AZZOPARDI :
• Rappel de salaire : 1.148,81 €
• Indemnité de congés payés afférents : 144,88 €
• Article 700 du NCPC : 150 €

Madame Annie BOIT :
• Rappel de salaire : 1.226,37 €
• Indemnité de congés payés afférents : 122,63 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Madame Anne-Marie BRUYERE :
• Rappel de salaire : 1.186,70 €
• Indemnité de congés payés afférents : 118,67 €
• Article 700 du NCPC : 150 €

Monsieur Richard CARON :
• Rappel de salaire : 659 €
• Indemnité de congés payés afférents : 65,9 €
• Article 700 du NCPC : 150 €

- Madame Colette CHAPPAZ :
• Rappel de salaire : 779,22 €
• Indemnité de congés payés afférents : 77,92 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Madame Evelyne CHARLON :
• Rappel de salaire : 2.664,15 €
• Indemnité de congés payés afférents : 266,41 €
• Article 700 du NCPC : 150 €

- Monsieur Joël CUISINIER :
• Rappel de salaire : 826,12 €
• Indemnité de congés payés afférents : 122,81 €
Article 700 du NCPC : 150 €

Monsieur Dominique BOURRY :
• Rappel de salaire : 1.195,94 €
• Indemnité de congés payés afférents ; 119,59 €
• Article 700 du NCPC : 150 €

- Madame Renée DALBOUSSIERE :
• Rappel de salaire : 427,22 €
• Indemnité de congés payés afférents : 42,72 €
• Article 700 du NCPC : 150 €

Monsieur Stéphane DARDET :
• Rappel de salaire : 369,83 €
• Indemnité de congés payés afférents : 36,98 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Madame Marie-Agnès DARONNAT :
• Rappel de salaire : 528,71 €
• Indemnité de congés payés afférents : 52,87 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Mademoiselle Marlène DOLLE :
• Rappel de salaire : 1.112,61 €
• Indemnité de congés payés afférents : 11,26€
• Article 700 du NCPC : 150 €

Monsieur Jérôme DUCLOS :
• Rappel de salaire : 606,21 €
• Indemnité de congés payés afférents : 60,62 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Monsieur Vincent DUGUA :
• Rappel de salaire : 1.154,16 €
• Indemnité de congés payés afférents : 115,41 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Madame Martine FERIAUD :
Rappel de salaire : 599,32 €
• Indemnité de congés payés afférents : 59,93 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Madame Nathalie FERRATIER :
• Rappel de salaire : 1.294,82 €
• Indemnité de congés payés afférents : 131,89€
. Article 700 du NCPC : 150 €

Madame Ariette GAUTHIER :
• Rappel de salaire : 764,84 €
• Indemnité de congés payés afférents : 76,48 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Madame Renée GERMAIN :
• Rappel de salaire : 1.340,79 €
• Indemnité de congés payés afférents : 134,07 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Madame Emmanuelle GOUDARD :
« Rappel de salaire : 1.307,52 €
• Indemnité de congés payés afférents :, 130,75 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Monsieur Daniel KUC :
• Rappel de salaire : 1.048,03 €
• Indemnité de congés payés afférents : 104,80 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Monsieur Antoine MANZARENA :
• Rappel de salaire : 598,49 €
« Indemnité de congés payés afférents : 59,84 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Monsieur Jean-Luc MARMEY :
• Rappel de salaire : 162,39 €
• Indemnité de congés payés afférents : 16,23 €
Article 700 du NCPC : 150 €

Monsieur Hervé MAZARAT :
• Rappel de salaire : 735,12 €
• Indemnité de congés payés afférents : 73,51 €
• Article 700 du NCPC : 150 €

Madame Marie-Pierre POLOSSE :
• Rappel de salaire : 1.149,93 €
• Indemnité de congés payés afférents : 114,99€
. Article 700 du NCPC : 150 €

Monsieur Patrick POUDRET :
• Rappel de salaire : 714,48 €
• Indemnité de congés payés afférents : 71,48 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Monsieur David RATTO :
• Rappel de salaire : 1.341,68 €
• Indemnité de congés payés afférents : 134,16 €
Article 700 du NCPC : 150 €

Madame Caroline RIBAGNAC :
• Rappel de salaire : 1.157,07 €
• Indemnité de congés payés afférents : 115,70 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Madame Marie SANCHEZ :
• Rappel de salaire : 2.166,86 €
• Indemnité de congés payés afférents : 216,86€
. Article 700 du NCPC : 150 €

Monsieur Jean-Marie SAVIN :
• Rappel de salaire : 1.305,15 €
• Indemnité de congés payés afférents : 120,51 €
Article 700 du NCPC : 150 €

Monsieur Christophe SERRATRICE :
• Rappel de salaire : 1.156,64 €
• Indemnité de congés payés afférents :• 115,66 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Madame Katia SERRATRICE :
• Rappel de salaire : 1.363,84 €
• Indemnité de congés payés afférents : 136,38 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Monsieur Laurent SAUNIER :
. Rappel de salaire : 1.359,64 €
• Indemnité de congés payés afférents : 135,96 €
Article 700 du NCPC : 150€

Madame Isabelle SILVESTRE :
• Rappel de salaire : 1.318,91 €
• Indemnité de congés payés afférents : 131,89 €
. Article 700 du NCPC : 150€

Monsieur Frédéric TEISSIER :
• Rappel de salaire : 1.228,18 €
• Indemnité de congés payés afférents : 122,81 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Madame Paulette TREMORI :
• Rappel de salaire : 573,64 €
• Indemnité de congés payés afférents : 57,36 €
. Article 700 du NCPC : 150 €

Monsieur David VALENTIN :
• Rappel de salaire : 1.294,79 €
• Indemnité de congés payés afférents : 129,47 €
• Article 700 du NCPC : 150 €

Madame Patricia VAURE :
• Rappel de salaire : 3.733,86 €
• Indemnité de congés payés afférents : 373,38 €
Article 700 du NCPC : 150 €.

Le Conseil de Prud'Hommes de Valence :

A titre principal et in limine litis : se déclarera incompétent au profit de la juridiction administrative ;

A titre subsidiaire : rejettera purement et simplement les demandes des requérants.

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FAITS


I. Les demandeurs ont été engagés par LA POSTE en qualité d'agents contractuels de droit privé,
relevant de la Convention Commune LA POSTE - FRANCE TELECOM (pièce n° 1).

Ils revendiquent un rappel de salaire, au motif qu'ils auraient perçu un « Complément Poste » dont le montant aurait été inférieur à celui perçu par les fonctionnaires.

II. C'est en ces termes qu'ils ont saisi le Conseil de Prud'Hommes de VALENCE des demandes
susmentionnées, étant précisé qu'ils ont entendu se prévaloir des dispositions de l'article R. 516-18 du Code du Travail à l'audience de conciliation du 11 Février 2002.

Le Conseil de Prud'Hommes de VALENCE n'a évidemment pas fait droit aux demandes de versement d'une provision présentées par les requérants.
L'affaire vient en l'état.


DISCUSSION


Fondant leurs prétentions sur les dispositions des articles L. 140-2 et L. 133-5 4°, L. 136-2 8° et L. 143-14 du Code du Travail, les requérants soutiennent qu'ils auraient perçu un « Complément Poste » dont le montant aurait été inférieur à celui perçu par les fonctionnaires, entendant ainsi stigmatiser une prétendue violation du principe « à travail égal, salaire égal ».

Cette argumentation ne résiste évidemment pas à l'analyse, tant en droit qu'en fait. En effet, LA POSTE entend :

A titre principal et in limine litis, soulever l'incompétence matérielle du Conseil de Prud'Hommes de VALENCE, au profit de la juridiction administrative (II).

A titre subsidiaire, préciser les raisons juridiques pour lesquelles le principe « à travail égal, salaire égal», invoqué par les demandeurs, ne peut trouver application dans le cadre du présent litige (III).

A titre liminaire, il sera toutefois rappelé le contexte législatif, réglementaire et conventionnel dans lequel est intervenu la modification du mode de rémunération de l'ensemble du personnel de LA POSTE (I).

I. - SUR LA CREATION D'UN « COMPLEMENT INDEMNITAIRE »


En 1993, LA POSTE a décidé de simplifier la rémunération de son personnel en créant un « Complément Indemnitaire » (B).
La conduite de cette réforme a nécessairement été dominée par la coexistence de deux types de personnel au sein de LA POSTE, à savoir (A) :
D'une part, des agents titulaires relevant du statut des fonctionnaires ; D'autre part, des agents contractuels de droit privé.

A. - SUR LA COEXISTENCE DE DEUX TYPES DE PERSONNEL

1. — Jusqu'en 1991, le Service des Postes et Télécommunications relevait du Ministère des Postes, des Télécommunications et de l'Espace.
L'ensemble du personnel de ce service était composé de deux types de personnels :
Des fonctionnaires régis par des statuts particuliers pris en application des lois suivantes :
• Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
• Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la Fonction
Publique de l'Etat.
Des agents contractuels de droit public.

2. - Aux termes de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications - applicable à compter du 1er janvier 1991 - ont été créés les deux exploitants publics suivants :
- LA POSTE ;
- FRANCE TELECOM.
Ces deux exploitants constituent des Etablissements publics Industriels et Commerciaux.

La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 détermine également la qualité et le statut de l'ensemble du personnel de LA POSTE :

L'article 29 de la loi dispose : « Les personnels de LA POSTE (...) sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-364 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires à la Fonction Publique qui comportent des dispositions spécifiques ».
L'article 31 de la loi dispose: «Lorsque les exigences particulières de l'organisation de certains services ou la spécificité de certaines fonctions le justifient, LA POSTE peut employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels ».

Force est donc de constater que coexistent, au sein de LA POSTE, deux catégories de personnels obéissant à des régimes juridiques distincts :
Des fonctionnaires qui sont nommés après avoir été admis à un concours et qui perçoivent un traitement, fixé en fonction du grade et de l'échelon.
Il convient de préciser que ces fonctionnaires sont, vis-à-vis de l'administration, placés dans une situation statutaire et réglementaire. En d'autres termes, la situation de l'agent n'est pas régie par un contrat qui aurait été passé entre lui et l'administration. Sa situation résulte de textes législatifs et réglementaires.
Des agents contractuels de droit privé qui sont recrutés sous contrats de travail et qui perçoivent une rémunération constitué d'un salaire défini, lors de l'embauche, au regard des deux éléments suivants :
• D'une part, des missions réellement exercées et du niveau de classification interne
correspondant ;
• D'autre part, du barème tel que défini par la Convention Collective applicable, à savoir la Convention Commune LA POSTE - FRANCE TELECOM du 4 novembre 1991.

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B. - SUR LA REMUNERATION DU PERSONNEL DE LA POSTE

1. - Le décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990 portant statut de LA POSTE détermine expressément les primes allouées à l'ensemble du personnel,,en sus :
De leur traitement indiciaire pour les fonctionnaires ; De leur salaire de base, pour les contractuels.
C'est ce qui résulte des articles 5 et 12 du décret du 12 décembre 1990 :
L'article 5 du décret dispose :
«Le Conseil d'Administration de LA POSTE (...) définit et conduit la politique générale de LA POSTE conformément aux orientations fixées par le Gouvernement, dans le respect des dispositions du Cahiers des Charges de l'exploitant et dispose notamment des compétences suivantes :

1) dans le respect des règles précisées par les statuts particuliers des personnels fonctionnaires conformément aux dispositions prévues au contrat de plan, il approuve le niveau et la structure des effectifs, définit la nature des primes et indemnités des personnels, à l'exclusion de celles liées à la qualité d'agent de droit public (...) ».
L'article 12 du décret précise, quant à lui :
«Le Président du Conseil d'administration de LA POSTE met en œuvre la politique définie par le Conseil d'Administration et assure l'exécution de ses délibérations.
A cet effet, il a tous pouvoirs pour assurer la bonne marche de LA POSTE et pour agir en son nom en toutes circonstances (...).
Il a notamment qualité pour :
Fixer, dans le cadre de la composition de la masse salariale arrêtée par le conseil d'administration, le niveau des primes, indemnités et rémunérations annexes au traitement de base des personnels liées à l'activité et aux qualifications spécifiques à LA POSTE (...) ».

2. - C'est, dès lors, dans ce contexte très particulier et très hétérogène sur un plan juridique, que doivent être appréhendées les modifications qui ont été apportées récemment aux conditions de rémunération et de traitement des différents personnels de LA POSTE.
Ainsi, à l'occasion de sa séance du 8 janvier 1992, le Conseil d'Administration de LA POSTE a-t-il décidé de procéder à la rénovation et à la simplification du système de traitement et de rémunération de l'ensemble du personnel de LA POSTE, c'est à dire à la fois des fonctionnaires et des contractuels, étant souligné que cette réforme a concerné exclusivement la nature et le niveau des primes et indemnités allouées.
L'économie générale de ce nouveau système est relativement simple, en son principe, puisqu'il a consisté à créer un « complément indemnitaire », regroupant l'ensemble des primes et indemnités allouées à l'ensemble du personnel de LA POSTE.

La mise en œuvre de cette réforme s'est faite en trois étapes qui ont concerné successivement les catégories de personnels suivants :
Mise en œuvre de la lere étape à la suite d'une délibération du Conseil d'Administration de LA POSTE du 27 avril 1993 et d'une instruction du 3 août 1993 :
Personnel concerné : fonctionnaires et agents contractuels de droit public exerçant les fonctions de cadres supérieurs, cadres, chefs d'établissements, agents de maîtrise et brigadiers départementaux.
Création d'un « complément indemnitaire Poste » regroupant l'ensemble des primes et indemnités qui étaient allouées à ce personnel en sus de leur traitement et rémunération.
Date d'entrée en vigueur de la mesure : rétroactivement au 1er janvier 1993.
Mode de calcul du complément indemnitaire : les primes et indemnités qui ont été allouées à ces catégories de personnel ont été totalisées pour leur montant annuel au titre de l'année 1993, ce montant annuel étant alors mensualisé pour le douzième de sa valeur.
Mise en œuvre de la 2eme étape à la suite d'une délibération du Conseil d'Administration de LA POSTE du 27 avril 1994 et d'une instruction du 25 février 1994 (pièce n° 2) :
• Personnel concerné : tous les fonctionnaires autres que ceux concernés par la lere phase.
• Mise en place d'un « complément indemnitaire Poste » regroupant l'ensemble des primes
et indemnités qui étaient alloués à cette catégorie de personnel en sus de leur traitement.
• Date d'entrée en vigueur de la mesure : 1er janvier 1994.
• Mode de calcul du complément indemnitaire : il a été décidé que l'intégration des primes
et indemnités dans le complément indemnitaire Poste ne serait pas intégralement
mensualisée et se calculerait comme suit :
> Primes et indemnités retenues au titre de l'année 1993 totalisées pour leur montant
annuel.
> Déduction de ce montant d'une somme forfaitaire de 4.500,00 Francs.
> Mensualisation du montant annuel restant par le douzième de sa valeur.
> Paiement - en sus du complément indemnitaire - d'une somme de 2.250,00 francs en
mars et septembre.
Mise en œuvre de la 3eme étape à la suite d'une décision n° 1802 du Directeur Général de LA POSTE du 9 décembre 1994 et d'une délibération du Conseil d'Administration de LA POSTE du 25 janvier 1995 (pièce n°3):
Personnel concerné : tous les contractuels de droit privé.
• Mise en place d'un Complément Indemnitaire Poste — qualifié de « Complément Poste »
- regroupant l'ensemble des primes et indemnités qui étaient précédemment allouées à
cette catégorie de personnel.
• Date d'entrée en vigueur de la mesure : 1er janvier 1995.
• Mode de calcul du complément Poste : les primes et indemnités qui ont été allouées à
cette catégorie de personnel ont été totalisées pour leur montant annuel au titre de l'année
1993, ce montant annuel étant alors mensualisé pour le douzième de sa valeur.
Ces trois phases, qui ont contribué à mettre en œuvre, de manière harmonieuse, le nouveau système du complément indemnitaire, peuvent être synthétisées sous la forme du tableau suivant :

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3. — La décision n° 717 du 4 mai 1995 (pièce n° 3) a donc défini la nouvelle composition de la rémunération du personnel de LA POSTE.

a. - On distingue entre trois types de rémunérations : la rémunération de référence, la rémunération de base et la rémunération globale.
Il convient de rappeler précisément la composition de chacune de ces rémunérations :
La rémunération de référence : depuis la création du complément indemnitaire — depuis qualifié de « Complément Poste » - chaque agent perçoit mensuellement un montant fixé appelé « rémunération de référence », cette rémunération se composant des deux éléments suivants :
Un traitement indiciaire pour les fonctionnaires ou le salaire de base pour les agents contractuels dont l'évolution est fonction, dans le premier cas, de l'augmentation de la valeur du point fonction publique et, dans le second, de la négociation salariale annuelle.
Le Complément Poste perçu par l'ensemble des agents (sauf ingénieurs et cadres) et qui rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste.
La rémunération de base : cette rémunération est constituée de deux éléments suivants :
La rémunération de référence.
Les primes dites de fonction publique pour les fonctionnaires et certaines primes à caractère personnel pour les agents contractuels.
La rémunération globale : à la rémunération de base peuvent s'ajouter certains versements à caractère aléatoire, à savoir :
• Heures supplémentaires,
• Indemnités liées à des contraintes particulières,
• Contribution au développement de LA POSTE.

b. - Force est de constater qu'ont été supprimées l'ensemble des primes et indemnités précédemment allouées, dans la mesure où elles sont été intégrées dans le Complément Poste.
La décision n° 717 du 4 mai 1995 (pièce n° 3) précise, à cet égard, que :
« Les primes et indemnités (...) ont été intégrées dans le « Complément Poste » des agents du mois de septembre 1993 pour les agents de la première vague de reclassification, au mois de mars 1994 pour les agents de la deuxième vague de reclassification, et dès janvier 1995 pour les agents qui relèvent de la convention commune.
Ces primes et indemnités n'ont désormais plus de raison d'être, les principes d'évolution du « Complément Poste » énoncés au titre 2 s'appliquant à l'ensemble du complément ainsi constitué ».

Au surplus, il sera fait observer les éléments suivants :
Les seules indemnités et primes qui continuent à être versées au personnel de LA POSTE, depuis la mise en place du « Complément Poste », sont les suivantes :
Les primes fonction publique pour les seuls fonctionnaires.
Il s'agit des primes ou indemnités strictement énumérées dans le décret n° 92-1182 du 30 octobre 1992, et plus particulièrement, de l'indemnité de résidence et du supplément familial de traitement.
Les primes à caractère personnel attribués aux seuls contractuels de droit privé de LA POSTE et, notamment, le complément pour charges de familles.
Certaines indemnités liées à des contraintes particulières, à savoir primes et indemnités non incluses dans le Complément Poste.
La contribution au développement de LA POSTE créée par décision du Conseil d'Administration du 25 janvier 1995 pour les seuls cadres et agents de maîtrise.
De même, le versement d'une somme de 686,02 € aux seuls fonctionnaires n'entre pas dans la catégorie de ces indemnités et constitue juridiquement une simple modalité d'application du « Complément Poste ».
C'est ainsi que la décision n° 717 du 4 mai 1995 précise que « les 4.500 F versés en deux fois en février et septembre aux personnels fonctionnaires relevant de la seconde vague de mensualisation ne constituent qu'une modalité particulière de paiement d'une fraction de leur « Complément Poste ». Ils font donc partie intégrante de ce complément ».

c. — II convient également de noter que, dans sa délibération du 25 janvier 1995 prise en application de l'article 5 du décret du 12 décembre 1990 portant statut de LA POSTE, il a été décidé que, pour des raisons d'équité, il serait défini - pour chaque niveau de fonction un « champ de normalité» à l'intérieur duquel le « Complément Poste » de chaque agent devait se situer et qui serait notamment fonction de la notation annuelle de l'intéressé.
C'est dans ces conditions que le Président de LA POSTE, dans sa décision n° 717 du 4 mai 1995 (pièce n° 3), a prévu que serait déterminé et mis en œuvre des « champs de normalité » pour les fonctionnaires de niveaux 1.1 à II.2 et les agents contractuels de droit privé de niveaux ACC 11 à ACC 22, à compter du 1er janvier 1995 pour les premiers et à compter du 1e' juillet 1996 pour les seconds.
Pour autant, il est important de souligner, là encore, la différence fondamentale existant entre les deux catégories de personnel de LA POSTE.
En effet, nonobstant la mise en place de ces « champs de normalité », force est de constater que la revalorisation de la rémunération de base des fonctionnaires et celle de la rémunération de base des contractuels de droit privé obéissent à des procédés juridiques distincts :
La rémunération de base des fonctionnaires est revalorisée chaque année, d'une part, au titre du traitement indiciaire et des primes fonction publique par voie décrétale et, d'autre part, au titre du « complément poste » par voie de décision unilatérale du Président de LA POSTE dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article 12 du décret du 12 décembre 1991.
La rémunération de base des contractuels de droit privé (composée du salaire minimal conventionnel et du « complément poste » qui a la nature juridique d'une prime) donne lieu, quant à elle, à une négociation annuelle entre les partenaires sociaux, en application de l'article 6 de l'annexe « autres personnels » de la Convention collective applicable et est prononcée par décision du Président du Conseil d'Administration de LA POSTE dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article 12 du décret du 12 décembre 1991.
Ainsi, le traitement et la rémunération des fonctionnaires et des contractuels de droit privé ont-ils régulièrement fait l'objet d'une revalorisation :
Pour les contractuels de droit privé - par le biais d'accords salariaux - leurs rémunérations ont été régulièrement revalorisées (pièces nos 4 et suivantes) :

Circulaire du 24 août 1995 ;
Circulaire du 12 août 1996 ;
Circulaire du 16 janvier 1998 ;
Circulaire du 23 juillet 1998 ;
Circulaire du 9 août 1999 ;
Circulaire du 20 juillet 2000 ;

Pour les fonctionnaires, les revalorisations suivantes de leur traitement sont également intervenues (pièces nos 12 et suivantes) :
Circulaire du 24 octobre 1995 ;
Circulaire du 28 février 1997 ;
Circulaire du 31 mars 1998 ;
Circulaire du 30 mars 1999 ;
Circulaire du 20 décembre 2000 ;

Concernant plus particulièrement les agents contractuels de droit privé, le dernier accord salarial pour l'année 2001 a été suivi d'une décision prévoyant que «fin 2003 les « compléments poste » des agents contractuels des niveaux 1.1, 1.3 et II.l seront égaux, aux. montants des « compléments poste » des fonctionnaires de même niveau » (pièce n° 29).

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II. -A TITRE PRINCIPAL : SUR L'INCOMPETENCE DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES

A. - EN DROIT

1. - Les agents des services publics industriels et commerciaux sont dans une situation juridique de droit privé et les litiges d'ordre individuel les concernant doivent être portés devant le juge judiciaire.
Cette règle, à laquelle il ne peut être dérogé que par une disposition édictée et autorisée par le législateur, s'applique à tous les services industriels et commerciaux, quel que soit le mode d'exploitation de ces services.

2. - II existe, néanmoins, un certain nombre d'exceptions à ce principe.
Notamment, les problèmes concernant l'appréciation de la légalité des statuts du personnel relèvent de la compétence du juge administratif et ce contentieux administratif englobe notamment les statuts qui revêtent la forme de décrets, ainsi que les mesures prises en application de ces statuts (CE, 10 nov. 1961, Missa, Rec. CE, p. 636, AJDA 1962, II, p. 40, concl. Ordonneaù).
De même, selon une jurisprudence constante, les problèmes liés à l'application des règlements du personnel élaborés par les organes dirigeants relèvent de la compétence du juge administratif (T. confl. 11 janv. 1968, Barbier, Rec. CE, p. 789, AJDA 1968, 1, p. 225 ; CE, ôfévr. 1981, Baudet, Rec. CE, p. 53 ; T. confl., préfet Val de Marne, req. n° 3193, RFD adm. 2000, p. 1142).

3. - Dès lors, selon une jurisprudence constante, les deux règles suivantes doivent être mises en lumière :
Les actes touchant à l'organisation du service public sont des actes administratifs, dont l'appréciation ne peut appartenir qu'à la juridiction administrative.
L'arrêt du Tribunal des Conflits Epoux Barbier du 15 janvier 1968 le reconnaît explicitement pour les actes adoptés par des personnes privées exploitant, notamment, un service public commercial et industriel.
De même, les actes administratifs touchant l'organisation du service public est un acte de nature réglementaire, dont l'appréciation ne peut appartenir a fortiori qu'à la juridiction administrative.

Ont été ainsi considérées comme ayant la nature d'actes administratifs de nature réglementaire :
La décision du directeur Général des Charbonnages de France fixant les règles d'attribution au personnel d'une prime de résultat (CE Ass., 22 juin 1962, Houillères du Bassin d'Aquitaine, Rec. CE, p. 413).
La décision du directeur Général de la RTF fixant les conditions de travail de l'ensemble des personnels, fonctionnaires ou non (CE Ass,, 13 janv. 1967, Syndicat Unifié des Techniciens de la RTF, Rec. CE, p. 10) ou déterminant les modalités de règlement de la situation des journalistes rendus disponibles à la suite d'une compression d'effectif (CE, 21 juin 1972, CFDT et Syndicat des Journalistes Français, Rec. CE, p. 460).
Or, il ne peut être contesté qu'en vertu du principe d'ordre public de la séparation des deux ordres de juridictions administratif et judiciaire, les juridictions de l'ordre judiciaire - auxquelles appartiennent nécessairement les Conseils de Prud'Hommes - ne peuvent être matériellement compétents pour juger de la légalité des actes administratifs et réglementaires relatifs à l'organisation du service public commercial et industriel.
En effet, l'appréciation de la légalité de tels actes relève de la seule compétence des juridictions administratives (Trib. confl., 15 janv. 1968, de Air France c/Epoux Barbier, Rec. CE, p. 789 ; CE, 10 nov. 1961, Missa et Association « les Résistants de la Radio-Diffusion-Française, Rec. CE, p. 636).

Il convient de mettre en exergue les deux décisions significatives suivantes :
Le Tribunal des Conflits, dans un arrêt « Syndicat CGTd'EDF et autres » du 12 octobre 1992, a jugé que :
« S'il n 'appartient qu 'aux juridictions de l'ordre judiciaire de se prononcer, au fond, sur le litige, les juridictions administratives demeurent, en revanche, compétentes pour apprécier, par voie de question préjudicielle, la légalité des décisions d'EDF relatives à l'organisation public qui présentent un caractère administratif et réglementaire ».
De même, le Tribunal des Conflits - dans un arrêt « Abella et autres » du 22 juin 1992 - a rappelé que le juge judiciaire ne saurait écarter l'application d'un acte administratif réglementaire au profit d'une autre disposition législative ou réglementaire et, en particulier du droit commun du travail, sans porter atteinte au principe fondamental de la séparation des pouvoirs des deux ordres de juridiction, lequel principe a une valeur constitutionnelle :
« Considérant que le conseil de prud'hommes a écarté l'application de cette décision (celle d'EDF régissant les retenues sur salaires en cas de participation à un mouvement de grève) en se fondant sur les articles L. 122-358 et L. 122-42 du Code du travail ; qu 'en statuant ainsi, il a nécessairement jugé que cette décision était entachée d'illégalité ; que c 'est dès lors à bon droit que le conflit a été élevé ».

La Chambre Sociale de la Cour de cassation a d'ailleurs confirmé cette jurisprudence en décidant, dans deux arrêts des 5 mai 1983 et 9 mai 1989 (Cass. soc. 5 mai 1983, Bull. civ. n° 238 ; Cass. soc. 9 mai 1989, Bull. civ. y, n° 345), qu'à défaut d'avoir été éventuellement annulées par le juge administratif, les décisions des organes directeurs des établissements publics industriels et commerciaux, en tant qu'elles constituent des actes administratifs et réglementaires concourant à l'organisation du service public, s'imposent à la juridiction judiciaire qui ne saurait en écarter l'application.

Enfin, dans des affaires similaires, il convient de relever les trois décisions récentes suivantes :
Le Conseil de Prud'Hommes d'EPINAL a admis - dans un jugement du 1er Mars 2002 - que sa compétence devait être exclue, dès lors que la contestation découlait immédiatement et nécessairement d'une décision prise par l'autorité administrative de tutelle (pièce n° 23).

De même, le Conseil de Prud'Hommes de METZ - dans une décision du 1er Mars 2002 - a considéré que la fixation et les modalités de paiement du « Complément Poste » avaient été arrêtées par des décisions ayant un caractère général et impersonnel, de sorte qu'elles devaient s'analyser juridiquement comme des actes administratifs à caractère réglementaire excluant la compétence des juridiction de l'ordre judiciaire (pièce n° 24).
La Cour d'appel de PARIS, dans un arrêt du 30 Mai 2002, a décidé qu'il y avait lieu « au renvoi de l'affaire devant le Conseil de Prud'Hommes initialement saisi, étant précisé que la juridiction devra, préalablement à l'examen du bien fondé des demandes, statuer sur le moyen de défense de l'établissement public au regard des dispositions de l'article 49 du Nouveau Code de Procédure Civile, en recherchant s'il y a bien mise en cause de la légalité des actes administratifs fixant les conditions de rémunération du personnel de La Poste, ce qui constituerait une question préjudicielle obligeant le juge judiciaire à surseoir à statuer pour permettre aux parties de saisir le Tribunal administratif compétent » (pièce n° 30).

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B.-EN FAIT

1. — La fixation et les modalités de paiement du « Complément Indemnitaire » - concernant les fonctionnaires de la deuxième phase et les contractuels de droit privé de la troisième phase - ont été arrêtées par les décisions des 27 avril 1993 et 25 janvier 1995 du Conseil d'Administration de LA POSTE qui, en sa qualité d'exploitant public et donc corrélativement d'établissement public industriel et commercial, a strictement appliqué les dispositions de l'article 5 du décret 90-1111 du 12 décembre 1990, lui-même pris en application de la loi du 2 juillet 1990 portant statut de LA POSTE.

Il convient, dès lors, de s'interroger sur le point de savoir si de telles décisions peuvent être définies comme des actes administratifs de nature réglementaire, auquel cas seule serait compétente la juridiction administrative.
Conformément à la jurisprudence précitée, il sera fait observer que ces actes touchent à l'organisation du service public industriel et commercial exploité par LA POSTE dans la mesure où ils ont eu pour vocation d'organiser la rémunération de l'ensemble de son personnel. Il s'agit donc d'actes administratifs.

2. — Les sommes sollicitées par les requérants correspondent au versement d'un complément indemnitaire dont le principe, le montant et les modalités d'application ont été expressément prévus par une instruction du 25 février 1994, elle-même prise en application d'une décision du Conseil d'administration de LA POSTE du 27 avril 1993 et des articles 5 et 12 du décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990 portant statut de la POSTE.
A l'évidence, il s'agit là d'un acte administratif de nature réglementaire.
Les demandeurs contestent donc l'application et les effets de cette décision, comme d'ailleurs l'ensemble des actes administratifs de nature réglementaire qui ont été pris dans le cadre de la mise en œuvre -en trois phases successives - du complément indemnitaire.

En outre, ils fondent leurs demandes sur une jurisprudence qui a été prise en application des dispositions de l'article L. 140-2 du Code du Travail et qui a consacré le principe « à salaire égal, travail égal ».
En d'autres termes, les requérants demandent au Conseil de Prud'Hommes de céans d'appliquer un texte du Code du Travail et sa jurisprudence subséquente pour écarter l'application et les effets d'actes administratifs de nature réglementaire qui ont été pris dans le cadre de l'organisation du service public industriel et commercial exploité par LA POSTE et qui s'imposent - en vertu du principe constitutionnel de la séparation des deux ordres de juridiction - nécessairement au Conseil de Prud'Hommes.

Dans la mesure où les requérants entendent contester la légalité de ces actes administratifs de nature réglementaire et que le Conseil de Prud'Hommes de céans ne peut juridiquement - en raison du principe constitutionnel ci-dessus énoncé - apprécier cette légalité, celui-ci devra nécessairement se déclarer incompétent matériellement au profit de la juridiction administrative.

Il sera donc demandé au Conseil de Prud'Hommes de VALENCE - à titre principal et limine litis — au regard du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, de considérer qu'il n'est pas compétent pour apprécier la légalité des décisions à caractère administratif et réglementaire sur lesquelles portent les demandes des requérants et de se déclarer, par voie de conséquence, incompétent au profit de la juridiction administrative.

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III. - A TITRE SUBSIDIAIRE : SUR LES DEMANDES DES REQUERANTS

A. - EN DROIT


L'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique. Or, cette règle - interdisant la discrimination salariale - ne s'applique que dans le cadre des rapports que peuvent entretenir un employeur avec ses salariés (2) ;
La règle interdisant pour un employeur de pratiquer une discrimination est consubstantielle à la notion de salariat, étant précisé que cette notion de salariat exclut nécessairement de son champ d'application les personnes ayant la qualité de fonctionnaire (1).

1. - SUR LES NOTIONS DE SALARIAT ET DE STATUT DE LA FONCTION PUBLIQUE

a. - SUR LA NOTION DE SALARIAT
Le Code du Travail - s'il régit les relations entre employeurs et salariés - ne donne pas de définition du salariat, ni même du contrat de travail.
Cette lacune a été bien évidemment comblée par la jurisprudence et la doctrine, pour qui le contrat de travail se définit comme « la convention par laquelle une personne s'engage à mette son activité à la disposition d'une autre sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant rémunération ».
Le salarié se définit juridiquement de la manière suivante :
II s'agit, tout d'abord, de la personne qui est affiliée au régime général de la Sécurité Sociale, même si la notion de salariat au sens de la Sécurité Sociale déborde largement celle du droit du travail.
En effet, certaines catégories de travailleurs obligatoirement affiliés au régime général ne le sont pas es qualité de salariés au sens de là législation du travail.
Au surplus, la jurisprudence précise, quant à elle, que l'affiliation au régime général requiert un contrat, une rémunération et un lien de subordination qui caractérise la relation entre un employeur et son employé :
Le travail subordonné se trouve normalement accompli au lieu et suivant l'horaire prescrit, par un salarié travaillant seul sans qu'aucun auxiliaire ne soit rémunéré par lui, avec un matériel et des matières premières ou produits fournis par l'employeur et sous son contrôle.
Les personnes travaillant pour un ou plusieurs employeurs ne sont affiliés obligatoirement aux assurances sociales que s'il existe un contrat entre elles et l'employeur (Cass. Ass.plén. 17déc. 1965, n° 63-11.868, Bull. civ. ass. plén.,p. J).
Selon les débats parlementaires (loi du 22 décembre 1972 codifiée sous les articles L. 140-2 et suivants du Code du Travail), la définition de la notion de « rémunération » doit être entendue comme comprenant l'ensemble des éléments objectivement mesurables du salaire, sans qu'il s'agisse du salaire effectivement perçu, qui comporte, lui, des éléments subjectifs.

b. - SUR LE STATUT DES FONCTIONNAIRES DE LA POSTE
II est à peine besoin de rappeler les dispositions de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 aux termes desquelles :
« les personnels de LA POSTE (...) sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-10 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui comporte des dispositions spécifiques ».
En résumé, les agents fonctionnaires - nommés après avoir été admis à un concours - perçoivent une rémunération qui a la nature juridique d'un traitement, dont le montant est fixé eu égard au grade de l'agent et de son échelon auquel il est parvenu.
Ce montant évolue en fonction de l'échelle et de l'ancienneté indiciaires et de la valeur du point d'indice déterminé par décret.

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2. - SUR LE PRINCIPE DE NON DISCRIMINATION SALARIALE

a. - L'article L. 140-2 du Code du Travail dispose :
« Tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un employeur de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes.
Par rémunération, au sens du présent chapitre, il faut entendre le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.
Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique et nerveuse.
Les disparités de rémunération entre les établissements d'une même entreprise ne peuvent pas, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, être fondées sur l'appartenance des salariés de ces établissements à l'un ou l'autre sexe ».
La règle de l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes est une application de la règle générale « à travail égal, salaire égal», énoncée par les articles L. 133-5 4° et L. 136-2 8° du Code du Travail.
Il s'ensuit que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique (Cass. soc. 29 Oct 1996, BC Vn°359, RJS12/96 n° 1272).
L'égalité de traitement est donc fondée sur la notion de « situation identique » dans laquelle sont placés les salariés.

b. - Néanmoins, la doctrine rappelle, à bon droit, que la prohibition des mesures discriminatoires sur un plan salarial ne vise pas à accorder aux salariés une protection permanente et de type statutaire (Droit social 1999, p. 747 et s.).
Elle a seulement pour objet d'interdire à l'employeur de prendre en considération une qualité en particulier, sans rapport direct avec les qualités professionnelles de l'intéressé et de lui réserver, pour cette seule raison, un traitement de défaveur.

c. - En résumé, l'existence d'une discrimination suppose que les deux conditions cumulatives suivantes soient remplies :
D'une part, l'existence d'une règle générale applicable à une même catégorie de personnes placées dans une situation identique.
D'autre part, une mesure individualisée privant l'une de ces personnes du bénéfice de cette règle.
S'il manque l'un de ces deux éléments, il ne peut y avoir discrimination.

d. - Notamment, dès lors que des personnes ne sont pas placées dans une situation identique, il
ne peut y avoir discrimination, la première condition n'étant pas remplie.
C'est ainsi que - dans des affaires similaires au présent litige - les décisions suivantes ont été rendues :

Le Conseil de Prud'Hommes d'AGEN, dans une décision du 15 Mai 2000, a jugé que (pièce n° 25) :
« // résulte de ce qui précède que coexistent au sein de LA POSTE plusieurs catégories de personnels qui ne sont pas dans une situation identique du fait même de la loi et des textes qui sont applicables en fonction de la nature du lien juridique qui les unit à LA POSTE ».

Le Conseil de Prud'Hommes de MELUN, dans un jugement du 15 juin 2000, a décidé, quant à lui, que (pièce n° 26) :
« Monsieur (...) est lié par un contrat de travail à son employeur (LA POSTE), lequel contrat lui confère le statut de salarié. Or, il réclame l'alignement de son salaire sur les rémunérations perçues par les employés ayant statut de fonctionnaire. Cette différence de statut empêche de constater une discrimination entre Monsieur (...) et ses collègues, puisqu'il n 'y a pas de situation juridique entre eux et que la différence de traitement résulte de l'application de droits différents suivant la catégorie de personnel.
L'octroi du statut alloué aux fonctionnaires de LA POSTE à Monsieur (...) aurait pour conséquence la violation de l'article 34 de la Constitution. En effet, ce texte dispose que la loi fixe le statut général des fonctionnaires. Ce statut ne saurait être conféré par une décision de justice ou par un contrat de droit privé ».

Le Conseil de Prud'Hommes d'AJACCIO, dans un jugement du 18 juin 2001, a également jugé que (pièce n° 27) :
«L'article 1134 du Code civil pose le principe essentiel au terme duquel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Il en résulte que chaque partie au contrat se doit de respecter les obligations auxquelles elle a souscrit.

L'article 4 du contrat de travail de Madame (...) stipule que « le contractant percevra une rémunération correspondant à son niveau de qualification, sur la base annuelle de 73 150 francs (calculée au prorata de son temps de travail). Ce salaire de base sera complété par les primes et indemnités en vigueur à LA POSTE ».
Cette disposition contractuelle, si elle n 'effectue aucune assimilation entre les deux statuts juridiques des agents fonctionnaires et contractuels, a pour effet d'imposer à l'employeur privé que constitue LA POSTE de payer à ses agents contractuels les mêmes primes et indemnités que celles qui sont versées aux agents fonctionnaires.
En effet, s'il est juridiquement impossible d'assimiler parfaitement deux régimes Juridiques relevant l'un du droit public et l'autre du droit privé, rien n'empêche le contractant privé de prévoir des augmentations ou des modifications indexées sur les dispositions réglementaires applicables aux agents fonctionnaires.
C'est en tout cas ce qui résulte de cette assimilation contractuellement prévue par LA POSTE qui, en tant qu 'employeur a assuré à ses agents contractuels le paiement des mêmes primes et indemnités que ses agents fonctionnaires.
Ce point-n'est d'ailleurs pas contesté par LA POSTE qui, dans ses écritures, explique comment les différentes primes et indemnités ont été progressivement assimilées et intégrées pour être versées sous la forme d'un complément indemnitaire devenu par la suite « complément poste » versé, depuis 1995, à tous les agents fonctionnaires et contractuels, à l'exception des ingénieurs et cadres supérieurs, des personnels sous CES et des apprentis.
Il en résulte que les dispositions de l'article 4 du contrat du travail sont effectives dans les faits puisque le principe du paiement de la même indemnité intitulée « complément poste » est acquis (...) ».

Cette analyse a d'ailleurs été confirmée, très récemment, par la Cour d'appel de PARIS qui, dans un arrêt en date du 18 décembre 2001. a jugé (pièce n° 28) :
« Le principe « à travail égal, salaire égal » énoncé par les articles L. 133-5, 4° et L. 136-2, 8° du Code du Travail impose à l'employeur d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique.
Or. les agents contractuels comme l'était Monsieur X. et les fonctionnaires ne relèvent pas des mêmes règles de droit, ne sont pas dans une situation identique ».

B. - EN FAIT

Les demandes des requérants seront nécessairement rejetées en raison de l'absence de toute forme de discrimination salariale entre, d'une part, les contractuels de droit privé et, d'autre part, les fonctionnaires (1).
Cette absence de discrimination salariale résulte des deux éléments suivants :

En premier lieu, les requérants - en leur qualité de salariés - ne peuvent revendiquer l'application du principe « à travail égal, salaire égal », en se référant à la situation juridique distincte dans laquelle se trouvent leurs collègues fonctionnaires (a).

En deuxième lieu, les requérants sont en tout état de cause défaillants dans la charge de la preuve qui leur incombe, s'agissant de la matérialité de la prétendue discrimination (b).
C'est d'ailleurs à la lumière de ces deux éléments que le Conseil de Prud'Hommes de céans observera que l'argumentation développée par les requérants ne saurait prospérer, tant en droit qu'en fait (2).

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1. - SUR L'ABSENCE DE DISCRIMINATION SALARIALE

a. - SUR L'INAPPLICABILITE DU PRINCIPE « A TRAVAIL EGAL, SALAIRE EGAL »

a.l. - Il est nécessaire de rappeler, à nouveau, la coexistence de deux catégories distinctes d'agents au sein de LA POSTE :
Les premiers sont les fonctionnaires régis par le statut général de la fonction publique qui présente, comme le prévoit la loi du 2 juillet 1990, de nombreuses particularités.
La gestion de ce type de personnel est réalisée à l'aide de règles unilatérales, de principes fondamentaux de la fonction publique résultant de textes législatifs et étant complétés par un grand nombre de textes réglementaires.
Le président et les directeurs des établissements de LA POSTE ne sont donc pas responsables des négociations salariales menées par le gouvernement pour l'ensemble des fonctionnaires.
La seconde catégorie concerne les personnels de droit privé qui relèvent, en principe, de la compétence des juges judiciaires et des dispositions du Code du Travail.
Pour une complète information du Conseil de Prud'Hommes de céans, il sera rappelé que LA POSTE - nonobstant cette diversité au sein de son personnel - a réussi à adopter une gestion commune, limitée aux seuls thèmes suivants :
Hygiène et sécurité et médecine de prévention,
Règlement intérieur national résultant d'une instruction du 23 avril 1997,
Accord sur l'insertion des handicapés du 1er juin 1995,
Accord sur le droit syndical du 4 décembre 1998,
Accord « pour le développement d'une politique spécifique de LA POSTE en zone urbaine sensible » du 16 mars 1999,
Accord sur les 35 heures du 1er février 1999.

a.2. — II résulte du principe « à travail égal, salaire égal » que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour autant que ces salariés en cause soient placés dans une situation identique.
La seule question qu'il convient de se poser est donc de se demander si des agents contractuels de droit privé et des fonctionnaires — exerçant les mêmes fonctions — peuvent être considérés comme étant placés dans une situation identique.
La réponse est négative et les différences juridiques qui opposent ces deux catégories de personnels sont les suivantes :
Quant au mode de rémunération :
Le régime juridique des fonctionnaires est fixé unilatéralement par le statut général de la fonction publique et par les statuts particuliers à chaque corps, l'article 34 de la Constitution réservant la fixation du statut général des fonctionnaires à la loi.

La loi dont il est question est la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires qui dispose - en son article 4 - que les fonctionnaires sont placés «dans une situation statutaire et réglementaire vis à vis de l'Administration». C'est la raison pour laquelle la rémunération des fonctionnaires est juridiquement un traitement dont les éléments et le montant ne peuvent être fixés que par des actes de nature réglementaire.
Quant aux contractuels de droit privé - affiliés au régime général de la Sécurité Sociale -ils sont soumis aux dispositions du Code du Travail et de la Convention Commune LA POSTE - FRANCE TELECOM. La rémunération des contractuels est dès lors fixée conventionnellement aux termes de négociations qui sont régulièrement menées entre les différents partenaires sociaux.

Il convient également d'indiquer que, concernant les augmentations, il s'agit d'une augmentation du traitement indiciaire pour les fonctionnaires et d'une négociation collective et individuelle pour les agents contractuels.
Quant au mode de recrutement :

• Les fonctionnaires sont recrutés par la voie du concours et bénéficient ensuite d'une
évolution de carrière selon une échelle indiciaire strictement fixée par des textes de nature
législative et réglementaire.
• Les contractuels de droit privé sont embauchés sous contrats à durée déterminée ou
contrats à durée indéterminée.
Enfin, il convient de relever les autres différences suivantes :
• La promotion : concours ou examen professionnel pour les fonctionnaires et avenant au
contrat de travail, suite à une sélection, pour les agents contractuels.
• La rupture des relations de travail : révocation, sans indemnités, pour les fonctionnaires et
procédures de licenciement, avec indemnités, pour les agents contractuels.
• Régime de retraite : pension de la fonction publique basée sur le traitement indiciaire, à
l'exclusion de toute prime, pour les fonctionnaires et retraite du régime privé, prenant en
compte la totalité de la rémunération (salaire de base et accessoires) pour les agents
contractuels.
• Il sera également noté que les fonctionnaires ne perçoivent pas d'indemnité de départ à la
retraite, d'indemnité compensatrice de congés payés et d'indemnité de licenciement,
contrairement aux agents contractuels.

Force est donc de constater qu'il est juridiquement erroné d'affirmer que les fonctionnaires et les contractuels de droit privé seraient placés dans une situation identique, et ce, en raison des nombreuses différences qui opposent ces deux catégories d'agents.

a.3. - Le fait que LA POSTE ait pu consentir aux contractuels de droit privé quelques avantages inhérents au statut de fonctionnaires est indifférent, dans la mesure où ceux-ci l'ont été dans le cadre de décisions unilatérales de l'exploitant public, constitutives d'autant d'avenants qui ont régulièrement fait l'objet de revalorisations à l'occasion d'accords salariaux entre les différents partenaires sociaux.
En tout état de cause, les revalorisations des rémunérations du personnel de LA POSTE se réalisent de la manière suivante :
Par la voie de décrets, concernant les fonctionnaires,
Par la voie d'avenants, conventionnellement négociés entre les partenaires sociaux, pour les contractuels de droit privé.

En outre, le principe « à travail égal, salaire égal» ne s'oppose pas à ce que le « Complément Poste » - en tant qu'élément de rémunération des agents de LA POSTE venant en complément du salaire - ne soit pas identique, dans ses modalités de paiement, pour les agents fonctionnaires et les salariés soumis au Code du Travail.
Un tel raisonnement s'impose d'autant plus que les juridictions administratives considèrent que les agents fonctionnaires de LA POSTE - dans la mesure où ils appartiennent à des corps différents de ceux des autres fonctionnaires - ne sont pas placés dans des situations comparables, de sorte qu'une différence de traitement entre les fonctionnaires de LA POSTE et ceux servant dans d'autres corps de la fonction publique peut être instituée, sans être contraire au principe d'égalité.

A titre d'exemple, le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 15 mars 2002 (CE Section, 15 mars 2002, N°225.275, LA POSTE c/FNSA PTT), a pu décider :
« Eu égard au statut particulier de LA POSTE, le gouvernement pouvait légalement fixer, par le décret attaqué qui est un décret en Conseil d'Etat, des modalités d'organisation propres à cet exploitant public, différentes de celles que prévoit le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ; que le décret attaqué n 'a introduit, ce faisant, aucune rupture d'égalité illégale entre les corps de fonctionnaires affectés à LA POSTE et les autres corps de fonctionnaires ».
Dès lors, si le Conseil d'Etat admet - considérant le statut particulier des fonctionnaires de LA POSTE - que ces derniers peuvent être légalement soumis à des règles différentes de celles applicables aux autres fonctionnaires, il ne peut être contesté, a fortiori, que des règles différentes puissent régir la situation des agents de droit privé et celles des agents fonctionnaires de LA POSTE, sans qu'il en résulte, pour autant, une rupture d'égalité.

a.4. - Afin que le débat soit parfaitement équitable, LA POSTE entend indiquer que le Conseil de Prud'Hommes de BASTIA, dans un jugement du 20 décembre 2000, a entendu faire droit aux prétentions de contractuels de droit privé sensiblement équivalentes à celles formulées par les requérants.
Seulement, cette décision est parfaitement critiquable au regard des règles législatives et jurisprudentielles ci-dessus rappelées.

La juridiction a entendu se prévaloir du principe selon lequel un même employeur ne pouvait traiter différemment ses salariés, sans tenir compte de la distinction juridique qu'il convenait nécessairement de faire entre, d'une part, les fonctionnaires et, d'autre part, les contractuels de droit privé.
Il est d'ailleurs remarquable de constater que le Conseil de Prud'Hommes de BASTIA semble faire un amalgame entre ces deux catégories de personnel.

En tout état de cause, il sera précisé que ce jugement a fait l'objet d'un pourvoi en cassation, lequel pourvoi a pour objet de démontrer que :
D'une part, le Conseil de Prud'Hommes a violé les articles 29 et 31 de la loi du 2 juillet 1990, le décret n° 92-1182 du 30 octobre 1992, ainsi que les articles L. 140-2, L. 133-5, 4° et L. 136-2, 8° du Code du Travail en considérant abusivement que les fonctionnaires et les agents contractuels étaient dans une situation identique ;
D'autre part, le Conseil de Prud'Hommes n'a pas légalement justifié sa décision au regard de la décision n° 717 du 4 mai 1995, ainsi que les articles L. 140-2, L. 133-5, 4°, L. 136-2, 8° du Code du Travail en affirmant que puisque l'ensemble du Personnel de La Poste était placé sous la même hiérarchie, le moyen de La Poste — tiré de ce que le versement du complément bi-annuel de 4.500 francs, constituant une modalité de versement du complément poste des agents fonctionnaires de niveau 1.1 à niveau II.2, ne saurait être étendu aux agents contractuels de droit privé - démontrerait une différence de traitement injustifiée entre ces deux catégories d'agents ;
Enfin, le Conseil de Prud'Hommes a violé la décision n° 717 du 4 mai 1995, ainsi que la Convention Commune « La Poste - France Télécom » et les accord salariaux de 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000 en affirmant que La Poste aurait limité dans le temps l'évolution du complément Poste alloué aux agents contractuels en fixant des seuils de recrutement unique.

b. - SUR L'ABSENCE DE PREUVE QUANT A LA MATERIALITE DE LA DISCRIMINATION

b.l. - L'article 4 des contrats de travail des requérants stipule que « le contractant percevra une rémunération correspondant à son niveau de qualification (...). Ce salaire de base sera complété par les primes et indemnités en vigueur à LA POSTE ».
Cette disposition contractuelle - si elle ne peut permettre aucune assimilation entre les deux statuts juridiques des agents fonctionnaires et des agents contractuels de droit privé - a pour seul effet d'imposer à l'exploitant public de payer à ses agents contractuels de droit privé les mêmes primes et indemnités que celles qui sont versées aux agents fonctionnaires.
Or, il ne peut être contesté que LA POSTE s'est parfaitement conformé aux dispositions des contrats de travail des requérants en leur accordant - comme les fonctionnaires - un complément indemnitaire.

b.2. - Pour autant, il résulte du système qui a été mis en place par LA POSTE qu'il n'existe pas un montant équivalent de « complément poste », dans la mesure où celui-ci ne correspond pas un grade ou à un indice, mais a résulté de l'addition de plusieurs primes et indemnités qui n'ont pas été forcément attribuées à chaque agent d'un même grade.
Or, force est de constater que les requérants ne rapportent pas la preuve que l'addition des primes et indemnités qui a été faite en 1995, pour calculer le montant du « complément indemnitaire », a pu les léser personnellement.

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2. - SUR L'ARGUMENTATION ADVERSE

L'argumentation des demandeurs peut être synthétisée de la manière suivante :

a. Se fondant sur les dispositions des articles L. 140-2, L. 133-5,4° et L. 136-2,8° du Code du Travail, ils soutiennent que le « Complément Poste)) qu'ils ont perçu aurait été inférieur à celui des fonctionnaires, tentant alors de stigmatiser une prétendue violation du principe « à travail égal, salaire égal ».
Or, les demandeurs ne peuvent valablement fonder leurs actions sur les dispositions des articles L. 133-5, 4° et L. 136-1, 8° du Code du Travail.

L'article L. 133-5, 4° du Code du Travail dispose que « la convention de hanche conclue au niveau national contient obligatoirement, pour pouvoir être étendue, outre les clauses prévues aux articles L. 132-5, L. 132-7 et L. 132-17, des dispositions concernant : (...) 4° Les éléments énumérés ci-dessous du salaire applicable par catégories professionnelles, ainsi que les procédures et la périodicité prévues pour sa révision : (...) d) Les modalités d'application du principe « à travail égal, salaire égal » et les procédures de règlement des difficultés pouvant naître à ce sujet, compte tenu notamment des situations révélées par l'application de l'article L. 132-12, deuxième aliéna (...) ».

L'article L. 136-2 du Code du Travail dispose, quant à lui, que « la commission nationale de la négociation collective de la négociation collective est chargée : (...) 8° De suivre annuellement l'application dans les conventions collectives du principe à travail égal, salaire égal, du principe de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et du principe d'égalité de traitement entre les salariés sans considération d'appartenance à une ethnie, une nation ou une race, de constater les inégalités éventuellement persistantes et d'en analyser les causes ; la commission nationale a qualité pour faire au ministre chargé du travail toute proposition pour promouvoir dans les faits et dans les textes ces principes d'égalité ».

Le Conseil de Prud'Hommes de céans pourra utilement observer que ces dispositions légales ne concernent que la seule question de l'égalité des rémunérations entre des salariés soumis à une même Convention Collective.
Or, dans le cadre du présent litige, il ne peut être contesté que les fonctionnaires ne sont pas compris dans le champ d'application de la Convention commune LA POSTE - FRANCE TELECOM, de sorte que l'ensemble des dispositions des articles précités ne leur sont pas applicables.

b. Ils prétendent, en outre, que s'il n'est pas contestable que la différence de statut entre un contractuel de droit privé et un fonctionnaire de droit public puisse justifier une différence quant au salaire de base, il en serait autrement de la prime intitulée « Complément Poste », versée mensuellement à tous les agents de LA POSTE.
Or, il sera rappelé qu'un employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique (Cass. soc. 29 Oct. 1996, BC Vn°359, RJS12/96 n° 1272).
Les demandeurs reconnaissent expressément, dans leurs écritures (p. 5 des écritures adverses), que les fonctionnaires et les contractuels de droit privé ne sont pas placés dans une situation identique, de sorte que ce fait «justifie une différence quant au salaire de base ».
Pour autant, ils considèrent qu'il en serait autrement pour la prime dite « Complément Poste ». Cette argument ne résiste évidemment pas à l'analyse.
En effet, le fait qu'un « Complément Poste » puisse être versé aux fonctionnaires et contractuels de droit privé est indifférent quant au point de savoir si ces deux catégories de personnel sont placés juridiquement dans une situation identique.

La seule question que le Conseil de Prud'Hommes de céans doit être amenée à se poser est de savoir s'il est possible de comparer ces deux catégories de personnel.
La réponse est assurément négative et les très nombreuses différences qui existent entre ces deux catégories de personnel ont été précédemment relevées.

c. Les demandeurs tentent de comparer les revalorisations salariales dont ont été bénéficiaires les contractuels de droit privé avec les revalorisations du traitement des fonctionnaires.
Or, il convient de rappeler l'impossibilité juridique d'opérer une comparaison, en termes de rémunérations, entre le statut des contractuels de droit privé et celui des fonctionnaires :
• La rémunération des fonctionnaires est fixée par des actes de nature réglementaire, tandis
que celle des contractuels de droit privé est fixée par voie conventionnelle ;
• Concernant les augmentations de la rémunération, il s'agit d'une augmentation du
traitement indiciaire pour les fonctionnaires et d'une négociation collective et individuelle
pour les agents contractuels.

Dès lors, le « Complément Poste » - nonobstant le fait qu'il est versé à l'ensemble des agents de LA POSTE - a nécessairement une nature juridique distincte selon qu'il s'agit des fonctionnaires et des contractuels de droit privé :

• Dans le premier cas, le « Complément Poste » est un élément du traitement, qui n'est fixé que par des actes de nature réglementaire ;
• Dans le deuxième cas, le « Complément Poste » est un élément du salaire, laquelle est fixée conventionnellement aux termes de négociations qui sont régulièrement menées entre les différents partenaires sociaux.

Au regard des règles spécifiques à chaque catégorie de personnel (fonctionnaires et contractuels de droit privé) qui régissent la fixation ainsi que la revalorisation annuelle de leur rémunération de base (décret et décision unilatérale du Président du Conseil d'Administration de LA POSTE pour les fonctionnaires et négociation annuelle sur les salaires pour les contractuels de droit privé), les requérants ne peuvent valablement exiger de LA POSTE qu'elle extrait - de manière totalement artificielle - le « complément poste » de la rémunération de base de ces processus de fixation, exigeant ainsi qui lui soit appliqué un traitement identique.
Il s'agirait, en effet, de violer délibérément les procédés de fixation et de revalorisation des rémunérations de base des fonctionnaires et des contractuels de droit privé.

De manière fondamentale, le « complément poste » - même s'il est destiné à rétribuer le niveau de fonction des agents - ne peut pas se concevoir, sur un plan juridique, indépendamment de la rémunération de base de chaque catégorie de personnel dont il constitue un élément indissociable.
En prévoyant, dans le contrat de travail des requérants, que ceux-ci verraient leurs salaires de base complétés par les primes et indemnités en vigueur à LA POSTE, il n'a jamais été envisagé que ces primes et indemnités - dont fait partie le « complément poste » - soient fixées et réglées selon les mêmes modalités que celles arrêtées pour les fonctionnaires exerçant les mêmes fonctions.

En tout état de cause - nonobstant le fait que cela n'a jamais été envisagé - une telle mesure n'aurait pas été possible juridiquement, sauf à remettre en cause le principe même de la spécificité du statut de la fonction publique.

d. Enfin, les requérants font état de l'argumentation suivante :

• Ils indiquent que la mise en œuvre des « champs de normalité » n'a jamais été effectuée pour les agents contractuels de niveaux 1.1 à II.2, alors même que, dans le même temps,
les valeurs de « champs de normalité » des agents fonctionnaires auraient été régulièrement fixées et publiées (p. 10 des conclusions adverses) ;
• Ils précisent, en outre, que les seuils de recrutement pour les « compléments poste » des agents contractuels de niveaux 1.1 à II.2 auraient toujours été inférieurs au secteur bas des « champs de normalité » des « compléments poste » des fonctionnaires de niveau identique (p. 10 des conclusions adverses).

Il sera, dès lors, fait observer les éléments qui vont suivre.
Il ne saurait être question de contester le fait que les « champs de normalité » du « complément poste », pour les contractuels de droit privé, n'ont jamais été fixés.
En effet, l'engagement de LA POSTE - lors des décisions n° 717 et 718 du 4 mai 1995 - de déterminer et mettre en œuvre des « champs de normalité», à partir du 1er juillet 1996 pour les agents contractuels de droit privé, a fait l'objet, chaque année, de négociations et accords salariaux n'ayant pas permis de définir lesdits « champs de normalité ».
En réalité, ont été retenues la mise en œuvre et la négociation annuelle - avec les différents partenaires sociaux - d'un seuil unique de « complément poste » pour l'ensemble des agents contractuels.
Ce système n'a pas été préjudiciable pour ces derniers. En effet :

• Chaque année, le seuil unique du « complément poste » des agents contractuels de droit privé a été revalorisée lors de négociations avec les organisations syndicales et force est de constater que cette revalorisation annuelle de ce seuil a été supérieure à celle dont ont pu bénéficier les fonctionnaires. A cet égard, il n'est pas inutile de faire observer au
Conseil de Prud'Hommes de céans que le secteur bas du « champ de normalité » des fonctionnaires n'a pas été revalorisé en 1998 et 2001 et que le «secteur haut)) de ce même « champ de normalité » n'a jamais été augmenté, de sorte que les fonctionnaires, ayant eu des notes B ou E et dont le « complément poste » se situait dans ce « secteur
haut », n'ont bénéficié que de faibles augmentations au titre de l'appréciation annuelle ;

• A contrario, les agents contractuels de droit privé ont bénéficié, chaque année, d'augmentations conséquentes du seuil unique du « complément poste ».


***


Le Conseil de Prud'Hommes de céans ne pourra donc que constater que le principe «à travail égal, salaire égal» ne saurait trouver application dans le cadre du présent litige en raison des différences juridiques notables qui peuvent exister entre les fonctionnaires et les contractuels de droit privé.

PAR CES MOTIFS


LA POSTE CONCLUT A CE QU'IL PLAISE AU CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE VALENCE DE :
A TITRE PRINCIPAL :


Dire et juger qu'au regard du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, le Conseil de Prud'Hommes de VALENCE n'est pas compétent matériellement pour apprécier la légalité de la décision du 4 mai 1995 sur laquelle sont fondées les demandes des requérants ;
En conséquence, se déclarer incompétent au profit de la juridiction administrative.

A TITRE SUBSIDIAIRE :
Dire et juger que le principe « à travail égal, salaire égal » ne peut trouver application, en raison des spécificités marquant le statut des fonctionnaires et celui des contractuels de droit privé,
Dire et juger qu'en tout état de cause, les requérants ne rapportent pas la preuve de la matérialité d'une discrimination salariale ;

En conséquence, les débouter purement et simplement de leurs demandes.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :
Condamner les requérants aux entiers dépens.

SOUS TOUTES RESERVES

SCP Joseph AGUERA & Associés AVOCATS
21, rue Bourgelat- 69002 LYON
Tél. : 04 78 42 68 68
Fax: 04 78 38 37 31
Toque n° 8
BORDEREAU DE COMMUNICATION DE PIECES de la SCP Joseph AGUERA & Associés
AFFAIRE : LA POSTE c/ DIVERS SALARIES



1.Convention Commune ;
2.Instruction du 25.02.94 ;
3.Décision du 04.05.95 ;
4.Circulaire du 24.10.95;
5.Circulaire du 28.02.97 ;
6.Circulaire du 01.10.97;
7.Circulaire du 31.03.98 ;
8.Circulaire du 03.11.98 ;
9.Circulaire du 30.03.99;
10.Circulaire du 24.06.99 ;
11.Circulaire du 29.11.99;
12.Circulaire du 20.07.00 ;
13.Circulaire du 20.12.00;
14.Circulaire du 14.05.01 ;
15.Circulaire du 18.10.01 ;
16.Circulaire du 24.08.95 ;
17.Circulaire du 12.08.96 ;
18. Circulaire du 16.01.98;
19. Circulaire du 23.07.98 ;
20. Circulaire du 09.08.99 ;
21. Circulaire du 20.07.00 ;
22. Circulaire du 26.07.01 ;
23. CPH d'EPINAL - 1er MARS 2002 ;
24. CPH de METZ - 1er MARS 2002 ;
25. CPHd'AGEN-15MAI2001 ;
26. CPH de MELUN - 15 JUIN 2001 ;
27. CPH d'AJACCIO - 18 JUIN 2001 ;
28. ÇA Paris - 18 DECEMBRE 2001 ;
29. Circulaire du 26 juillet 2001.
30. ÇA de Paris 18ème ch. C - 31 MAI 2002.

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