FAITS
I -
Les salariés de La Poste bénéficient d'un certain
nombre de primes et d'indemnités pour leurs frais de déplacement.
Lors de sa réunion du 6 avril 1995, le conseil d'administration
de La Poste a décidé de mettre en œuvre un système
qui permette au maximum de rembourser des frais réels.
L'article
3-1 de la décision n° 890 du 15 juin 1995, prise en application
de ces principes, prévoit ainsi qu'un agent est considéré
en déplacement celui qui se déplace pour les besoins du
service en-dehors de son agglomération de résidence et de
son agglomération d'affectation. Un tel déplacement doit
faire l'objet d'une information préalable. Cette obligation suppose
naturellement qu'il s'agisse d'un déplacement exceptionnel, les
salariés n'ayant évidemment pas à informer La Poste
des déplacements qu'ils doivent effectuer dans le cadre de leur
activité normale : le système serait sinon d'une lourdeur
insupportable.
Il
- C'est dans ces conditions que divers salariés du service DILIPACK
ont engagé une action contre La Poste. Ils soutenaient qu'ils se
déplaçaient quotidiennement pour leur activité et
réclamaient le paiement d'une indemnité de repas de 85 francs
par jour.
La
Poste s'est opposée à cette demande en faisant valoir que
cette indemnité n'était due que pour les déplacements
exceptionnels et non pour les salariés dont l'activité normale
consistait à se déplacer.
Les
salariés avaient en outre la requalification de leurs contrats
de travail.
Par
jugement du 3 mai 2001, le conseil de prud'hommes de Valence a fait droit
à l'argumentation de La Poste et a débouté les salariés
de leurs demandes.
C'est
le jugement attaqué par le pourvoi auquel l'exposante vient défendre.

DISCUSSION
SUR LE MOYEN DE CASSATION, tel que libellé par le mémoire
ampliatif.
III
- Par ce moyen, les demandeurs reprochent au jugement attaqué de
les avoir déboutés de leur demande de paiement d'une indemnisation
de leurs frais de repas.
Sur
la première branche
IV - Les demandeurs au pourvoi soutiennent que l'article 3-1 de la décision
n° 890 du 15 juin 1995 prévoirait que les chefs de service
doivent veilleur à ce que les agents dont l'activité nécessite
des déplacements permanents soient indemnisés de leurs frais
de déplacement ; en décidant qu'il résultait de ce
texte que les indemnités de déplacement étaient destinées
à compenser les dépenses des salariés se déplaçant
occasionnellement, le conseil de prud'hommes aurait violé l'article
1134 du code civil.
La
critique est mal fondée.
V
- La question de l'indemnisation des frais de déplacement est réglée
par une série de textes internes, dont il convient de rappeler
la teneur. Il s'agit tout d'abord des articles 40 à 43 de la convention
commune, qui sont rédigés comme suit :
«
Article 40 dispositions générales
Les déplacements professionnels, en France ou à l'étranger,
pour des missions temporaires de plus ou moins longue durée,
sont pris en charge dans les conditions en vigueur pour l'ensemble
des personnels en activité (... )
Article 41 Ordre de mission
Un ordre de mission est délivré aux agents contractuels
pour tout déplacement professionnel.
Article 42 Point de départ des déplacements
Le point de départ des déplacements est le lieu habituel
de travail ».
Ces textes
sont aussi brefs que clairs : les déplacements professionnels ne
sont pris en charge que s'il s'agit de missions temporaires et si un ordre
de mission est délivré.
L'autre
texte important est l'article 3-1 de la décision n° 890 du
15 juin 1995, dont on citera les extraits concernant le présent
litige.
« Est considéré en déplacement dans
les conditions du droit commun tout agent se déplaçant
pour les besoins du service, hors de son agglomération de résidence
personnelle et hors de son agglomération d'affectation (...)
; les chefs de service devront tout spécialement veiller à
ce que les agents (...) dont l'activité nécessite des
déplacements permanents soient normalement indemnisés
de l'ensemble de leurs frais de déplacement dans les conditions
de droit commun (...) ; tout déplacement professionnel pouvant
donner lieu à indemnisation devra faire l'objet d'une information
préalable ».
La nécessité
d'une information préalable montre bien que le déplacement
ne doit pas faire partie du service normal de l'agent. On ne voit pas
pourquoi celui-ci informerait chaque jour sa hiérarchie qu'il va
effectuer le déplacement prévu à son contrat de travail.
La notion
de déplacement permanent n'est nullement contraire à cette
idée. Il s'agit simplement d'agents qui certes se déplacent,
mais de façon suffisamment variée dans le type de missions,
le lieu et la durée des déplacements pour qu'une information
soit à chaque fois nécessaire. Autrement dit, cela ne correspond
pas aux agents qui font des tournées régulières,
même si leur itinéraire peut varier d'une fois sur l'autre.
Enfin,
on peut citer la note de service n° 263 du 31 octobre 2000. Son article
2-4 précise que, pour les agents dont les lieux d'activité
ne sont pas précisés actuellement et nominativement, un
bureau d'attache sera défini et les frais de déplacement
seront pris en charge pour les trajets effectués entre ce bureau
d'attache et les différents lieux d'activité.
Mais
le texte ne prévoit que la prise en charge que des trajets et ne
concerne nullement les frais de repas.
V - En
l'espèce, le conseil de prud'hommes a pris en compte l'ensemble
de ces textes, pour en déduire que la notion de déplacement
était liée à une activité qui n'entrait pas
dans le cadre normal de l'exercice du travail du salarié. Citant
la convention commune et la décision n° 890, les premiers juges
ont décidé que les indemnités de déplacement
concernaient les déplacements occasionnels des salariés
en-dehors de leur lieu de travail habituel. Les salariés ne pouvaient
donc pas demander d'indemnité de repas au cours de déplacements
qui constituaient l'exercice normal, habituel et contractuel de leur travail
(jugement, page 7).
Ces motifs
sont parfaitement conformes au sens de l'ensemble des textes qui ont été
exposés plus haut, et qui doivent naturellement être
tous pris en compte pour donner au litige une solution.
La première
branche est erronée, dans la mesure où elle se fonde sur
une citation tronquée de l'article 3-1 de la décision n°
890, omettant soigneusement de rappeler l'existence de l'alinéa
relatif à l'information de la hiérarchie, Les demandeurs
au pourvoi feignent également d'oublier l'existence de la convention
commune, qui prévoit clairement que seules tes missions temporaires
donnent lieu au paiement d'une indemnité. Dans la mesure où
les tournées des agents concernées ne sont pas temporaires,
il est clair qu'ils ne peuvent pas prétendre à la prise
en charge de leurs frais de repas.
Il est
évidemment aisé de critiquer un jugement en faisant une
citation tronquée des textes sur lesquels il s'est fondé
...
Reposant
sur un pur artifice, la critique ne pourra qu'être rejetée.

Sur
les deuxième et troisième branches réunies
VII - Dans une deuxième branche, les demandeurs au pourvoi soutiennent
qu'il ne résulterait pas de leurs contrats de travail que le remboursement
de frais serait lié au caractère occasionnel du déplacement
; en jugeant le contraire, le conseil de prud'hommes aurait violé
l'article 1134 du code civil.
Dans
une troisième branche, les demandeurs au pourvoi énoncent
qu'à supposer le contrat contraire à !a décision
n° 890, le principe de la clause la plus favorable devait conduire
à l'application de cette décision ; le conseil de prud'hommes
aurait ainsi méconnu la hiérarchie des
normes en droit du travail.
Ces griefs
sont mal fondés.
VIII
- Les contrats de travail des agents en cause stipulent : « dès
lors qu'un des lieux de travail est situé à plus de trente
kilomètres du lieu de travail principal, ou qu'il ne s'agit pas
d'un des lieux de travail habituels, des frais de déplacement sont
payés à l'agent dans le cadre des règles en vigueur
à La Poste ».
Le conseil
de prud'hommes a clairement noté que ces stipulations reprenaient
les principes découlant des textes généraux analysés
plus haut (jugement, page 7 in fine).
En effet,
les contrats de travail renvoient formellement aux règles en vigueur
à La Poste, dans deux cas : lorsque le lieu de travail est éloigné
de plus de trente kilomètres du lieu de travail principal, ou si
le lieu de travail n'est pas un lieu habituel. Dans ces deux cas seulement,
les règles générales trouvent à s'appliquer.
- Au
surplus, la notion de lieu de travail habituel montre bien que
l'indemnisation est due pour un déplacement occasionnel. En effet,
des salariés qui effectuent des tournées de distribution
qui varient chaque jour n'ont pour lieu de travail habituel que celui
où ils viennent chercher les colis à distribuer ; pour le
reste, les endroits où leur tournée s'effectue ne sont évidemment
pas habituels. Le mémoire ampliatif souligne d'ailleurs l'absence
de tournée régulière (page 2 in fine).
Dès
lors, le déplacement, au sens du contrat de travail, suppose bien
autre chose que la tournée, ce qui correspond exactement aux textes
généraux.
Il s'en
déduit que les motifs du jugement sont à l'abri de toute
critique.
Là
encore, la deuxième branche repose sur une lecture sélective
et superficielle des contrats de travail, refusant de voir qu'il en résulte
clairement que la tournée ne peut pas être un déplacement
au sens de ces contrats.
La troisième
branche, quant à elle, repose sur l'idée que la
décision n° 890 imposerait la prise en compte des tournées
en tant que déplacement. Le" rejet de la première branche
aura établi le contraire, de sorte que cette critique manque par
le fait même qui lui sert de fondement.
Le rejet
ne fait pas de doute.
Sur
la quatrième branche
IX - Les demandeurs au pourvoi prétendent qu'ils se fondaient sur
la note de service n° 263 du 31 octobre 2000, qui prévoirait
le remboursement des frais de déplacement pour les agents ayant
leur activité en plusieurs lieux non définis à l'avance
; en ne s'interrogeant pas sur la portée de ce document, le conseil
de prud'hommes aurait privé sa décision de base légale.
La critique
est mal fondée.
X - Le
conseil de prud'hommes a bien noté que les salariés se fondaient
sur la note de service n° 263 (jugement, page 7 § 2). Ils citaient
clairement les stipulations de ce document et se fondaient sur son article
2.32, prévoyant le cas d'un agent travaillant dans deux bureaux
différents, et sur son article 2.4, réglant le cas des agents
dont les lieux d'activité n'étaient pas précisés
dans le contrat de travail (leurs conclusions, pages 9 et 10)
Or, cet
argument ne méritait aucune réponse particulière.
En effet,
la simple lecture de ces textes, que le méroire ampliatif se garde
bien d'analyser, montre qu'ils ne sont pas applicables au présent
litige.
L'article
2.32 concerne les agents qui travaillent dans plusieurs lieux fixes, ce
qui n'est évidemment pas le cas des salaries concernés qui,
comme ils le soulignent eux-mêmes, font des tournées.
Quant
à l'article 2.4, il prévoit la prise en charge des trajets
entre le bureau d'attache et les lieux d'activité. Il n'est nullement
question de frais de repas, qui étaient seuls réclamés
par les demandeurs au pourvoi.
Le défaut
de motivation reproché aux juges du fond est donc de pure façade,
les demandeurs au pourvoi n'expliquant pas, et pour cause, en quoi la
note de service litigieuse aurait bien pu s'appliquer à leur cas.
Le rejet
est certain.
Sur
la cinquième branche
XI - Les demandeurs au pourvoi soutiennent enfin qu'ils se prévalaient
dans leurs conclusions du fait que d'autres agents réalisant des
tournées bénéficiaient du remboursement de leurs
frais de déplacement et du fait que le principe d'égalité
devait être respecté ; en ne s'en expliquant pas, le conseil
de prud'hommes aurait privé sa décision de base légale.
Le grief
est mai fondé.
XII -
On rappellera que les juges du fond ne sont censés rechercher que
ce qui leur est demandé (Civ. 3e, 8 avril 1999, B. n° 93 ;
Com, 23 juin 1998, B. n° 204).
Or, les
salariés, dans leurs conclusions, se bornaient à faire valoir
que des agents dont la fonction était de remplacer d'autres agents
absents dans une zone géographique étendue bénéficiaient
de la prise en charge de leurs frais de repas (conclusions, page 10).
Mais
il ne se sont jamais fondés sur une prétendue discrimination,
se bornant à noter que l'attitude de La Poste était contradictoire.
La contradiction
n'étant pas un fondement juridique pour une quelconque demande,
le conseil de prud'hommes n'avait donc pas à se pencher sur ce
qui n'était pas un moyen, mais à peine l'ébauche
d'un argument.
C'est
d'autant plus certain que la description de l'activité de ces agents
remplaçants n'était assortie d'aucune preuve et relevait
donc de l'affirmation gratuite.
Le conseil
de prud'hommes n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation
des demandeurs.
Le rejet
s'impose.

PAR
CES MOTIFS,
et tous autres à produire, déduire ou suppléer, au
besoin d'office,
l'exposante conclut qu'il plaise à la Cour de cassation :
- REJETER le pourvoi avec toutes conséquences
de droit
S.C.P. DEFRENOIS & LEVIS Avocat aux Conseils

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