retour affaire Dilipack, paiement des frais de repas


SCP DEFRENOIS & LEVIS
Avocat aux Conseils
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PRUD'HOMMES
N°W 01-43.930
COUR DE CASSATION


CHAMBRE SOCIALE
MEMOIRE EN DEFENSE

 

Déposé au Greffe
de la Cour de Cassation
le 7 juin 2002.


POUR

LA POSTE

DEFENDERESSE
S.C.P. DEFRENOIS & LEVIS

 

CONTRE

1°Monsieur Nicolas AUGE
2°Monsieur Stéphane CORVIONE
3°Madame Isabelle VALETTE
4°Madame Lucile MARRET
5°Mademoiselle Yaël MONTALON
6°Madame Isabelle BEN MEFTAH FARGIER
7°Madame Delphine BERT


DEMANDEURS
SCP WAQUET, FARGE & HAZAN

 

 

Observations sur le pourvoi n° W 01-43.930

 

FAITS


I - Les salariés de La Poste bénéficient d'un certain nombre de primes et d'indemnités pour leurs frais de déplacement. Lors de sa réunion du 6 avril 1995, le conseil d'administration de La Poste a décidé de mettre en œuvre un système qui permette au maximum de rembourser des frais réels.

L'article 3-1 de la décision n° 890 du 15 juin 1995, prise en application de ces principes, prévoit ainsi qu'un agent est considéré en déplacement celui qui se déplace pour les besoins du service en-dehors de son agglomération de résidence et de son agglomération d'affectation. Un tel déplacement doit faire l'objet d'une information préalable. Cette obligation suppose naturellement qu'il s'agisse d'un déplacement exceptionnel, les salariés n'ayant évidemment pas à informer La Poste des déplacements qu'ils doivent effectuer dans le cadre de leur activité normale : le système serait sinon d'une lourdeur insupportable.

Il - C'est dans ces conditions que divers salariés du service DILIPACK ont engagé une action contre La Poste. Ils soutenaient qu'ils se déplaçaient quotidiennement pour leur activité et réclamaient le paiement d'une indemnité de repas de 85 francs par jour.

La Poste s'est opposée à cette demande en faisant valoir que cette indemnité n'était due que pour les déplacements exceptionnels et non pour les salariés dont l'activité normale consistait à se déplacer.

Les salariés avaient en outre la requalification de leurs contrats de travail.

Par jugement du 3 mai 2001, le conseil de prud'hommes de Valence a fait droit à l'argumentation de La Poste et a débouté les salariés de leurs demandes.

C'est le jugement attaqué par le pourvoi auquel l'exposante vient défendre.

 

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DISCUSSION
SUR LE MOYEN DE CASSATION, tel que libellé par le mémoire ampliatif.


III - Par ce moyen, les demandeurs reprochent au jugement attaqué de les avoir déboutés de leur demande de paiement d'une indemnisation de leurs frais de repas.

Sur la première branche

IV - Les demandeurs au pourvoi soutiennent que l'article 3-1 de la décision n° 890 du 15 juin 1995 prévoirait que les chefs de service doivent veilleur à ce que les agents dont l'activité nécessite des déplacements permanents soient indemnisés de leurs frais de déplacement ; en décidant qu'il résultait de ce texte que les indemnités de déplacement étaient destinées à compenser les dépenses des salariés se déplaçant occasionnellement, le conseil de prud'hommes aurait violé l'article 1134 du code civil.

La critique est mal fondée.

V - La question de l'indemnisation des frais de déplacement est réglée par une série de textes internes, dont il convient de rappeler la teneur. Il s'agit tout d'abord des articles 40 à 43 de la convention commune, qui sont rédigés comme suit :

« Article 40 dispositions générales
Les déplacements professionnels, en France ou à l'étranger, pour des missions temporaires de plus ou moins longue durée, sont pris en charge dans les conditions en vigueur pour l'ensemble des personnels en activité (... )


Article 41 Ordre de mission

Un ordre de mission est délivré aux agents contractuels pour tout déplacement professionnel.

Article 42 Point de départ des déplacements

Le point de départ des déplacements est le lieu habituel de travail ».

Ces textes sont aussi brefs que clairs : les déplacements professionnels ne sont pris en charge que s'il s'agit de missions temporaires et si un ordre de mission est délivré.

L'autre texte important est l'article 3-1 de la décision n° 890 du 15 juin 1995, dont on citera les extraits concernant le présent litige.


« Est considéré en déplacement dans les conditions du droit commun tout agent se déplaçant pour les besoins du service, hors de son agglomération de résidence personnelle et hors de son agglomération d'affectation (...) ; les chefs de service devront tout spécialement veiller à ce que les agents (...) dont l'activité nécessite des déplacements permanents soient normalement indemnisés de l'ensemble de leurs frais de déplacement dans les conditions de droit commun (...) ; tout déplacement professionnel pouvant donner lieu à indemnisation devra faire l'objet d'une information préalable ».

La nécessité d'une information préalable montre bien que le déplacement ne doit pas faire partie du service normal de l'agent. On ne voit pas pourquoi celui-ci informerait chaque jour sa hiérarchie qu'il va effectuer le déplacement prévu à son contrat de travail.

La notion de déplacement permanent n'est nullement contraire à cette idée. Il s'agit simplement d'agents qui certes se déplacent, mais de façon suffisamment variée dans le type de missions, le lieu et la durée des déplacements pour qu'une information soit à chaque fois nécessaire. Autrement dit, cela ne correspond pas aux agents qui font des tournées régulières, même si leur itinéraire peut varier d'une fois sur l'autre.

Enfin, on peut citer la note de service n° 263 du 31 octobre 2000. Son article 2-4 précise que, pour les agents dont les lieux d'activité ne sont pas précisés actuellement et nominativement, un bureau d'attache sera défini et les frais de déplacement seront pris en charge pour les trajets effectués entre ce bureau d'attache et les différents lieux d'activité.

Mais le texte ne prévoit que la prise en charge que des trajets et ne concerne nullement les frais de repas.

V - En l'espèce, le conseil de prud'hommes a pris en compte l'ensemble de ces textes, pour en déduire que la notion de déplacement était liée à une activité qui n'entrait pas dans le cadre normal de l'exercice du travail du salarié. Citant la convention commune et la décision n° 890, les premiers juges ont décidé que les indemnités de déplacement concernaient les déplacements occasionnels des salariés en-dehors de leur lieu de travail habituel. Les salariés ne pouvaient donc pas demander d'indemnité de repas au cours de déplacements qui constituaient l'exercice normal, habituel et contractuel de leur travail (jugement, page 7).

Ces motifs sont parfaitement conformes au sens de l'ensemble des textes qui ont été exposés plus haut, et qui doivent naturellement être
tous pris en compte pour donner au litige une solution.

La première branche est erronée, dans la mesure où elle se fonde sur une citation tronquée de l'article 3-1 de la décision n° 890, omettant soigneusement de rappeler l'existence de l'alinéa relatif à l'information de la hiérarchie, Les demandeurs au pourvoi feignent également d'oublier l'existence de la convention commune, qui prévoit clairement que seules tes missions temporaires donnent lieu au paiement d'une indemnité. Dans la mesure où les tournées des agents concernées ne sont pas temporaires, il est clair qu'ils ne peuvent pas prétendre à la prise en charge de leurs frais de repas.

Il est évidemment aisé de critiquer un jugement en faisant une citation tronquée des textes sur lesquels il s'est fondé ...

Reposant sur un pur artifice, la critique ne pourra qu'être rejetée.

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Sur les deuxième et troisième branches réunies

VII - Dans une deuxième branche, les demandeurs au pourvoi soutiennent qu'il ne résulterait pas de leurs contrats de travail que le remboursement de frais serait lié au caractère occasionnel du déplacement ; en jugeant le contraire, le conseil de prud'hommes aurait violé l'article 1134 du code civil.

Dans une troisième branche, les demandeurs au pourvoi énoncent qu'à supposer le contrat contraire à !a décision n° 890, le principe de la clause la plus favorable devait conduire à l'application de cette décision ; le conseil de prud'hommes aurait ainsi méconnu la hiérarchie des
normes en droit du travail.

Ces griefs sont mal fondés.

VIII - Les contrats de travail des agents en cause stipulent : « dès lors qu'un des lieux de travail est situé à plus de trente kilomètres du lieu de travail principal, ou qu'il ne s'agit pas d'un des lieux de travail habituels, des frais de déplacement sont payés à l'agent dans le cadre des règles en vigueur à La Poste ».

Le conseil de prud'hommes a clairement noté que ces stipulations reprenaient les principes découlant des textes généraux analysés plus haut (jugement, page 7 in fine).

En effet, les contrats de travail renvoient formellement aux règles en vigueur à La Poste, dans deux cas : lorsque le lieu de travail est éloigné de plus de trente kilomètres du lieu de travail principal, ou si le lieu de travail n'est pas un lieu habituel. Dans ces deux cas seulement, les règles générales trouvent à s'appliquer.

- Au surplus, la notion de lieu de travail habituel montre bien que
l'indemnisation est due pour un déplacement occasionnel. En effet, des salariés qui effectuent des tournées de distribution qui varient chaque jour n'ont pour lieu de travail habituel que celui où ils viennent chercher les colis à distribuer ; pour le reste, les endroits où leur tournée s'effectue ne sont évidemment pas habituels. Le mémoire ampliatif souligne d'ailleurs l'absence de tournée régulière (page 2 in fine).

Dès lors, le déplacement, au sens du contrat de travail, suppose bien autre chose que la tournée, ce qui correspond exactement aux textes généraux.

Il s'en déduit que les motifs du jugement sont à l'abri de toute critique.

Là encore, la deuxième branche repose sur une lecture sélective et superficielle des contrats de travail, refusant de voir qu'il en résulte clairement que la tournée ne peut pas être un déplacement au sens de ces contrats.

La troisième branche, quant à elle, repose sur l'idée que la
décision n° 890 imposerait la prise en compte des tournées en tant que déplacement. Le" rejet de la première branche aura établi le contraire, de sorte que cette critique manque par le fait même qui lui sert de fondement.

Le rejet ne fait pas de doute.

 

Sur la quatrième branche


IX - Les demandeurs au pourvoi prétendent qu'ils se fondaient sur la note de service n° 263 du 31 octobre 2000, qui prévoirait le remboursement des frais de déplacement pour les agents ayant leur activité en plusieurs lieux non définis à l'avance ; en ne s'interrogeant pas sur la portée de ce document, le conseil de prud'hommes aurait privé sa décision de base légale.

La critique est mal fondée.

X - Le conseil de prud'hommes a bien noté que les salariés se fondaient sur la note de service n° 263 (jugement, page 7 § 2). Ils citaient clairement les stipulations de ce document et se fondaient sur son article 2.32, prévoyant le cas d'un agent travaillant dans deux bureaux différents, et sur son article 2.4, réglant le cas des agents dont les lieux d'activité n'étaient pas précisés dans le contrat de travail (leurs conclusions, pages 9 et 10)

Or, cet argument ne méritait aucune réponse particulière.

En effet, la simple lecture de ces textes, que le méroire ampliatif se garde bien d'analyser, montre qu'ils ne sont pas applicables au présent litige.

L'article 2.32 concerne les agents qui travaillent dans plusieurs lieux fixes, ce qui n'est évidemment pas le cas des salaries concernés qui, comme ils le soulignent eux-mêmes, font des tournées.

Quant à l'article 2.4, il prévoit la prise en charge des trajets entre le bureau d'attache et les lieux d'activité. Il n'est nullement question de frais de repas, qui étaient seuls réclamés par les demandeurs au pourvoi.

Le défaut de motivation reproché aux juges du fond est donc de pure façade, les demandeurs au pourvoi n'expliquant pas, et pour cause, en quoi la note de service litigieuse aurait bien pu s'appliquer à leur cas.

Le rejet est certain.

 

Sur la cinquième branche


XI - Les demandeurs au pourvoi soutiennent enfin qu'ils se prévalaient dans leurs conclusions du fait que d'autres agents réalisant des tournées bénéficiaient du remboursement de leurs frais de déplacement et du fait que le principe d'égalité devait être respecté ; en ne s'en expliquant pas, le conseil de prud'hommes aurait privé sa décision de base légale.

Le grief est mai fondé.

XII - On rappellera que les juges du fond ne sont censés rechercher que ce qui leur est demandé (Civ. 3e, 8 avril 1999, B. n° 93 ; Com, 23 juin 1998, B. n° 204).

Or, les salariés, dans leurs conclusions, se bornaient à faire valoir que des agents dont la fonction était de remplacer d'autres agents absents dans une zone géographique étendue bénéficiaient de la prise en charge de leurs frais de repas (conclusions, page 10).

Mais il ne se sont jamais fondés sur une prétendue discrimination, se bornant à noter que l'attitude de La Poste était contradictoire.

La contradiction n'étant pas un fondement juridique pour une quelconque demande, le conseil de prud'hommes n'avait donc pas à se pencher sur ce qui n'était pas un moyen, mais à peine l'ébauche d'un argument.

C'est d'autant plus certain que la description de l'activité de ces agents remplaçants n'était assortie d'aucune preuve et relevait donc de l'affirmation gratuite.

Le conseil de prud'hommes n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation des demandeurs.

Le rejet s'impose.

 

 

PAR CES MOTIFS, et tous autres à produire, déduire ou suppléer, au besoin d'office,

l'exposante conclut qu'il plaise à la Cour de cassation :


- REJETER le pourvoi avec toutes conséquences de droit



S.C.P. DEFRENOIS & LEVIS Avocat aux Conseils


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