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Conseil de Prud'hommes de Rennes.

Hautecoeur / La Poste
R6n°00/00261
Section Commerce
Audience du 16 juin 2000

Affaire: Demande de requalification de CDD multiples en un CDI à temps complet.

 

POUR :

Monsieur HAUTECOEUR Tony, Conseiller financier, né le 1er septembre 1975 à RENNES demeurant 1 rue Franche Comté
35000 RENNES

Demandeur
Ayant pour Avocat Me Claude LARZUL,
Association LARZUL & BUFFET. Avocats à la Cour,
7 Place de Bretagne - 35000 RENNES.
Tel : 02.99.67.40.00 - Fax : 02.99.35.09.48

SUD PTT 35

 

CONTRE :

LA POSTE 27 Boulevard du Colombier BP 13 246 35032 RENNES CEDEX

Défenderesse
Ayant pour Avocat Me BILLAUD, Avocat à la Cour




CONCLUSIONS

 

Plaise au Conseil


RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :


Mr Tony HAUTECOEUR fut embauché du 12 juillet 1993 ou 20 septembre 1997 par la POSTE dans le cadre de 32 Contrats à durée Déterminée en raison soit d'une augmentation temporaire d'activité, soit pour effectuer des remplacements de personnel.

Il importe de préciser que les C.D.D avaient été conclus de façon discontinue, c'est à dire que sur la période de juillet 1993 à septembre 1997, ces contrats pouvaient être d'une durée très brève comme la durée d'une journée ou au contraire durer plusieurs semaines.

Par la suite, à compter du 22 septembre 1997, un contrat d'apprentissage fut conclu entre les parties pour une durée de 2 années, ce contrat devant donc se terminer le 31 août 1999, étant préciser que durant la première année de ce contrat, Mr HAUTECOEUR perçut 73 % du salaire minimum conventionnel applicable à La POSTE puis 81 % la seconde année et que la formation se déroula à Dinard (35).

La formation poursuivie par Mr HAUTECOEUR était la préparation d'un BTS " Force de vente".

Mr HAUTECOEUR obtint ainsi son BTS dés le mois de juin 1999 et c'est ainsi que par lettre du 20 juin 1999, le concluant fut avisé qu'il était affecté au groupement de Rennes de la POSTE à compter du 1er juillet 1999 en tant que Conseiller Financier.

Dans la mesure où le Contrat d'Apprentissage était censé se terminer le 31 août 1999 et compte tenu de cette affectation en tant que Conseiller Financier, Mr HAUTECOEUR fut dans l'obligation de résilier de façon précipitée le bail de son appartement sur Dinard et pris ses fonctions à Rennes à compter du 26 juillet 1999.

Mr HAUTECOEUR fut affecté très précisément au bureau de poste de Saint- Herblon avec mission de conseiller et vendre les produits et services financiers de la POSTE. Curieusement cependant, l'employeur ne remit à Mr HAUTECOEUR un contrat de travail écrit que le 25 août 1999, ce contrat indiquant au surplus qu'il était conclu pour une durée indéterminée à compter du 1er septembre 1999 et qu'il ne deviendrait définitif qu'à partir d'une période d'essai de 3 mois renouvelable une fois conformément aux dispositions conventionnelles applicables à la POSTE.

Le 26 novembre 1999, l'employeur remit à Mr HAUTECOEUR une lettre en mains propres l'informant que sa période d'essai venait selon lui à expiration le 30 novembre 1999 et qu'il souhaitait la reconduire pour une nouvelle durée de 3 mois.
Or précisément, à l'expiration de ces 3 mois, soit le 29 février 2000, il fut remis en mains propres a Mr HAUTECOEUR une lettre l'informant qu'il était mis fin à cette période d'essai !

Après diverses réclamations de Mr HAUTECOEUR et du Syndicat Sud PTT, le concluant fut dans l'obligation de saisir le Conseil des Prud'Hommes de céans d'un certain nombre de demandes.

 

DISCUSSION :

I- SUR LE PROBLEME DES CONTRATS A DUREE DETERMINEE


II est constant que les CDD, en raison de leur caractère dérogatoire au droit commun, doivent respecter un certain formalisme et à défaut, la requalification en contrat à durée indéterminée s'impose.

Or à l'examen des 32 CDD conclus en l'espèce, il est manifeste que certains ne respectent pas les dispositions légales.

Ainsi, le premier contrat conclu pour la durée du 12 juillet 1993 au 14 août 1993 avait été conclu pour assurer le remplacement temporaire de Mr DIOTEL-AUBRY, absent en raison de congés annuels de La POSTE.

Cependant, il convient de relever que ce contrat n'indiquait nullement la qualité et la qualification professionnelle du salarié remplacé.

Or il est constant que la mention de ces indications constitue une formalité obligatoire lorsqu'il s'agit d'un contrat de remplacement et à défaut, l'absence de cette mention entraîne la requalification du contrat en un contrat à durée indéterminée (Chambre Sociale 6 mai 1997, Bulletin Civil V n° 160 ; Chambre Sociale 28 octobre 1999).

Par conséquent, le Conseil des Prud'hommes devra donc dire et juger que ce premier contrat est en réalité un contrat à durée indéterminée, s'agissant d'ailleurs d'une présomption irréfragable, avec les conséquences suivantes :


a) Tout d'abord, il sera fait droit à la demande d'indemnité de Mr HAUTECOEUR sur le fondement de l'article L-122.3.13 du Code du Travail qui dispose notamment que :
" Lorsqu'un Conseil des Prud'Hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est portée directement devant le bureau du Jugement qui doit statuer au fond dans le délai d'un mois suivant sa saisine. La décision du Conseil des Prud'hommes est exécutoire de droit à titre provisoire. Si le Tribunal fait droit à la demande du salarié, il doit lui accorder, à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, sans préjudice de l'application des dispositions de la Section 2 du Chapitre 2 du Titre 2 du Livre 1er du présent Code ".

Dans la mesure où le premier contrat de travail prévoyait que le montant brut de traitement annuel était fixé à 71.100 F, soit 5.925 F, il conviendra donc d'octroyer à Mr HAUTECOEUR une indemnité correspondante de 5.925 F.


b) Par ailleurs, dans la mesure où un contrat de travail à durée indéterminée ne peut être rompu que soit par une démission soit par un licenciement et que la démission ne se présume pas, il est évident que lorsque ce contrat de travail à durée indéterminée a pris fin, il n'y eut de la port de l'employeur aucun respect de la procédure de licenciement et notamment aucune lettre de licenciement ne fut adressée à Mr HAUTECOEUR.

Par voie de conséquence, le licenciement sans motif est nécessairement un licenciement sans cause réelle et sérieuse et Mr HAUTECOEUR est bien fondé à réclamer à cet égard sur le fondement de l'article L-122-14.4 du Code du Travail, des dommages et intérêts d'un montant de 35,550 F (5.925 F x 6 mois


Par ailleurs, il convient de relever que le contrat conclu pour une durée d'une nuit du 23 mai au 24 mai 1997 pour le remplacement d'un agent temporairement absent n'a été signé par les parties que le 27 mai 1997.

Or la loi dispose que le CDD doit être transmis au salarié au plus tard dons les 2 jours suivants l'embauche.

A défaut, cela signifie que le salarié qui a commencé à travailler sans contrat écrit remis dans les 2 jours de son embauche est bénéficiaire d'un contrat à durée indéterminée.

Tel est donc le cas en espèce et il conviendra de tirer les mêmes conséquences que précédemment à savoir,

— L'octroi d'une indemnité au titre de l'article L-122-3.13 du Code du Travail d'un montant de : 6.492 F

— L'octroi de dommages et intérêts pour licenciement sons cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L-122-14.4 du Code du Travail d'un montant de : 38,962 F (6.492 F x 6 mois).

 

 

II- SUR LA PERIODE DU CONTRAT D'APPRENTISSASE :


Ainsi qu'il a été indiqué, Mr HAUTECOEUR a été par la suite en contrat d'apprentissage à compter du 22 septembre 1997 et ce contrat devait se terminer le 31 août 1999.

Cependant, Mr HAUTECOEUR a obtenu son diplôme dès le mois de juin 1999 et a été affecté sur un poste de conseiller financier dès le 26 juillet 1999 et à travaillé en tant que tel dès cette époque et par conséquent, était bénéficiaire d'un contrat à durée indéterminée et à temps plein.

Or curieusement, au mois d'août 1999, l'employeur lui a remis un bulletin de salaire comportant encore la mention d'apprenti, le salaire versé étant de 6.208,72 brut.

Dans la mesure où Mr HAUTECOEUR travaillait déjà à cette époque en tant que conseiller financier, celui-ci a donc droit à un rappel de solaire de 2.314 F( 7.726 F + 796 F -6.208 F), outre 231,40 F a titre de congés payés afférant.

 

 

III- SUR LA RUPTURE DU CONTRAT A DUREE INDETERMINEE DE CONSEILLER FINANCIER


II ressort des pièces de dossier que La POSTE s'est totalement méprise en rompant le contrat de Mr HAUTECOEUR à la fin du mois de février 2000 au motif qu'il était mis fin à sa période d'essai alors qu'en réalité, la période d'essai de Mr HAUTECOEUR était déjà terminé.

En effet, en l'espèce, la POSTE a fait courir le début de la période d'essai à partir du 1er septembre 1999, tel que cela a été prévu au contrat du 25 août 1999.

Après avoir estimé devoir reconduire cette période d'essai pour une nouvelle durée de 3 mois, la POSTE a rompue le contrat le 29 février 2000. Cependant, ainsi qu'il avait indiqué, Mr HAUTECOEUR a pris ses fonctions de conseiller financier dès le 26 juillet 1999. Cela ressort de manière irréfutable des pièces de dossier.

Ainsi, une lettre du 20 juin 1999 lui indiquait qu'il serait amené à prendre ses fonctions de conseiller financier à partir du 1er juillet 1999. De plus, Mr HAUTECOEUR verse aux débats des " fiches de résolution " sur lesquels étaient mentionnés le travail qu'il devait effectuer lorsqu'il a pris ses fonctions en tant que conseiller financier au bureau de poste de Saint- Herblon.

Son responsable de stage à DINARD, Mr GIBOURDEL, atteste bien qu'il est parti de son établissement le 30 juin 1999.

Cela signifie donc qu'à partir du 29 juillet 1999 et ayant travaillé tout le mois d'août 1999 en tant que conseiller sans contrat écrit, Mr HAUTECOEUR était bénéficiaire d'un contrat de travail à durée indéterminée et sans période d'essai.

C'est avant tout la réalité et l'exercice des fonctions qui doivent l'emporter par rapport à un contrat écrit signé le 25 août 1999.

Par ailleurs, à supposer même qu'il y ait eu une période d'essai en l'espèce, cette période doit commencer à courir à compter du 26 juillet 1999.

Par voie de conséquence, au moment où la POSTE a cru devoir renouveler la période d'essai à la fin du mois de novembre 1999 et a fortiori en rompant cette prétendue période d'essai à la fin du mois de février 2000, en réalité il s'avère que la période d'essai de Mr HAUTECOEUR était déjà terminée.

Si la POSTE souhaitait rompre le contrat de Mr HAUTECOEUR, elle aurait du en conséquence procéder à un licenciement en respectant à la fois la procédure de licenciement et en motivant par la suite la lettre de rupture.

Or en l'espèce cela n'a nullement été fait et le Conseil ne pourra que constater que la lettre de rupture émanant de la POSTE n'est nullement motivée.

Par voie de conséquence, il s'agit là encore d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La POSTE sera donc condamnée à payer à Mr HAUTECOEUR une somme d'un montant de 75.000 F à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.122-14.4 du Code du Travail.

Cette somme est parfaitement justifiée dons son quantum compte tenu du préjudice subi par le salarié et de la façon de procéder de l'employeur en l'espèce. Le concluant justifie en effet qu'il est au chômage et la rupture de son contrat est intervenu précisément à un moment où il venait de louer un nouvel appartement.

Par ailleurs, dans la mesure où il n'y a pas eu non plus de procédure de licenciement, Mr HAUTECOEUR est bien fondé à réclamer une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement d'un montant de 7726 F.

Par ailleurs, dans la mesure où elle n'est pas incompatible avec la nature de cette affaire, l'exécution provisoire du jugement à intervenir sera prononcée.


Enfin, il serait inéquitable de laisser à la charge de Mr HAUTECOEUR les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'engager pour faire valoir ses droits. Il lui sera alloué à ce titre une indemnité de 10.000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

 

 

PAR CES MOTIFS :

 

Déclarer recevables et bien fondées les demandes de Mr HAUTECOEUR.

Ce faisant :

Dire et juger que le premier contrat a durée déterminée en date du 12 juillet 1993 doit être requalifié en un seul contrat à durée indéterminée.

En conséquence, condamner La POSTE à verser à M.HAUTECOEUR, par application de l'article L-122-14.4 du Code du Travail une somme de 35.550 F pour rupture irrègulière et abusive du contrat de travail.

Condamner également La POSTE à payer à M. HAUTECOUR au TITRE DE la requalification du contrat par application de l'article L-122.3.13 du Code du travail une somme de 5 925 F.

Dire et juger également que le contrat conclu le 27 mai 1997 doit être requalifié en un contrat à durée indéterminée

En conséquence, condamner la POSTE pour licenciement sans cause réelle et sérieuse a verser Mr HAUTECOEUR, sur le fondement de l'article L 122-14.4 du Code du Travail une somme de 38.952 F à titre de dommages et intérêts pour rupture irrégulière et abusive et, ou titre de l'article 122-3.13 du Code du Travail, une somme de 6.492 F.

Condamner par ailleurs La POSTE à payer à Mr HAUTECOEUR une somme d'un montant de 2.314 F brute a titre de rappel de salaire pour le mois d'août 1999, outre 231.40 F brut à titre d'indemnité de congés payés afférant au rappel de solaire.

Dire et juger également que la rupture du contrat de travail intervenu le 29 février 2000 est dénuée de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, condamner La POSTE a payer à Mr HAUTECOEUR une somme de 75.000 F à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Condamner également La POSTE à payer à Mr HAUTECOEUR une indemnité de 7726 F pour non-respect de la procédure de licenciement.

Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Allouer à Mr HAUTECOEUR une indemnité de 10000F ou titre de l'article 700 du NCPC.

Condamner la POSTE aux entiers dépens et aux éventuels frais d'exécution


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